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Notes de programme

Simply Quartet

mar. 18 nov. 2025

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Programme détaillé

Joseph Haydn (1732-1809)
Quatuor à cordes en la majeur, op. 20/6

I. Allegro di molto e scherzando
II. Adagio. Cantabile
III. Menuetto : Allegretto
IV. Finale : Fuga a 3 soggetti : Allegro

[17 min]

Witold Lutosławski (1913-1994)
Quatuor à cordes

I. Introductory Movement [Mouvement introductif]
II. Main Movement [Mouvement principal]

[25 min]

 

--- Entracte ---

Dmitri Chostakovitch (1906-1975)
Quatuor à cordes n° 3, en fa majeur, op. 73

I. Allegretto
II. Moderato con moto
III. Allegro non troppo
IV. Adagio
V. Moderato

[32 min]

Distribution

Simply Quartet : Danfeng Shen et Antonia Rankersberger violon – Xiang Lyu alto – Ivan Valentin Hollup Roald violoncelle

Avec le soutien du ministère de la Culture et du Patrimoine national de Pologne.

Introduction

Avec des moyens limités (quatre instruments de la même famille), le quatuor s’est imposé comme l’un des genres majeurs de la littérature musicale dès 1770, Haydn jouant un rôle absolument central dans son développement. Aucun déclin ni éclipse du genre durant les deux cent cinquante ans qui ont suivi : aujourd’hui, le quatuor continue d’occuper une place de premier plan dans le paysage musical. Nul mieux que lui, ou presque, ne peut rendre compte des évolutions du langage auquel il donne un cadre fécond. Au fil du temps et des compositeurs, il a pu être le lieu du dialogue intérieur, du discours introspectif – ainsi chez Chostakovitch, où il joue presque le rôle d’un journal intime –, tout comme celui des expérimentations. Le Quatuor de Lutoslawski, qui poursuit dans la voie exploratoire du genre ouverte par Beethoven, est une œuvre à la fois synthétique et prospective.

Haydn, Quatuor à cordes op. 20/6

Composition : 1772.
Publication : 1774, Paris, Louis-Balthazar de la Chevardière.

Troisième recueil consacré par Haydn au genre du quatuor à cordes, l’Opus 20 marque un véritable changement de perspective, et ce à deux niveaux différents. En premier lieu, le compositeur, dont les précédents ouvrages ont constitué un espace d’apprentissage, y atteint à une véritable maturité, qui fait de ce nouvel opus «le plus prestigieux avant l’Opus 76» (Marc Vignal), de vingt-cinq ans plus tardif. En outre, ces six quatuors jouent au niveau de l’histoire du genre le rôle d’un jalon que l’on pourrait qualifier d’inaugural : les successeurs de Haydn ne s’y sont pas trompés, qu’ils aient été compositeurs ou musicologues. Beethoven les recopia et les étudia minutieusement, tandis que Brahms se réjouissait d’en posséder les manuscrits autographes. En 1923, le célèbre musicologue britannique Sir Donald Tovey affirmait très justement : «Chaque page des six Quatuors op. 20 est d’une importance à la fois historique et esthétique.» Les six œuvres qui forment cet opus présentent à la fois une véritable unité esthétique et une individualité marquée en termes d’écriture ou d’expressivité. La diversité des caractères abordés par l’ensemble se trouve reflétée dans le premier mouvement de ce sixième quatuor, que Haydn prend soin de titrer «scherzando» [en plaisantant]. L’humour y coexiste avec des passages plus mélancoliques, et le mode mineur s’y invite à plusieurs reprises. L’Adagio suivant, une magnifique aria du premier violon, est d’une grande douceur. Après un menuet brillant et un trio moelleux, où le second violon se tait et les autres instruments ne jouent que sur une corde, le finale adopte une écriture réellement «à quatre» : chacun des instruments, énonçant tour à tour les trois sujets de cette magistrale fugue terminale, y prend véritablement sa place.

Lutosławski, Quatuor

Composition : 1964.
Création : Stockholm, 12 mars 1965, par le Quatuor LaSalle.

Comme Ravel ou Debussy (deux compositeurs qu’il admirait) avant lui, comme Dutilleux après lui, Lutosławski n’a composé qu’un seul et unique quatuor. Écrit en 1964 à la demande de la Radio suédoise, celui-ci apporte une illustration manifeste des préoccupations musicales du compositeur à l’époque, tout en préfigurant d’autres partitions à venir, notamment en termes formels. Il est en effet organisé en deux mouvements joués sans interruption, le premier jouant le rôle d’une entrée, destinée à ouvrir l’appétit en quelque sorte («Mouvement introductif»), et le second, plus long et dynamique, intitulé «Mouvement principal». La Deuxième Symphonie et le Concerto pour violoncelle, notamment, poursuivront dans cette voie où Lutosławski entend un héritage des formes baroques et des œuvres de Haydn et Mozart. En termes de langage, le Quatuor met en œuvre l’idée d’«aléatoire contrôlé» abordée avec les Jeux vénitiens et les Trois Poèmes d’Henri Michaux : «Elle consiste à employer le hasard pour qu’il serve à l’enrichissement rythmique et expressif de la musique, sans limiter pour autant le plein pouvoir du compositeur sur l’œuvre dans sa forme définitive», explique Lutosławski dans la note de programme de la création. «Chacun des interprètes doit jouer sa partie comme s’il était seul», note le compositeur sur la partition, tout en prenant soin d’indiquer clairement les points de rencontre et les conditions de développement de cet aléatoire (les sections étant notées dans des encadrés qu’il nomme «mobiles»).

Fragmenté, traversé de gestes sonores remarquables (comme les accords décidés qui rebondissent d’un instrument à l’autre), contrasté, le Quatuor de Lutosławski est une œuvre complexe, profondément subjective et – par son principe même – toujours renouvelée dans son incarnation auditive.

Chostakovitch, Quatuor n° 3

Composition : 1946.
Création : Moscou, 16 décembre 1946, par le Quatuor Beethoven.

Les circonstances politiques et sociales dans lesquelles Lutosławski put composer à partir de la fin des années 1950, ainsi que sa notoriété en dehors de la sphère de l’URSS lui permirent une véritable liberté dont Chostakovitch, en Russie, eut nettement plus de mal à bénéficier. Le climat qui prévaut à l’époque de la composition de son Troisième Quatuor, une petite vingtaine d’années avant celui de Lutosławski, est ainsi fort différent. Celui-ci, comme d’autres partitions (les symphonies notamment), se fait l’écho à la fois des événements de son époque et du monde intérieur de Chostakovitch. Comme le fait remarquer Krzysztof Meyer, il représente en effet «le dernier maillon d’une superbe succession d’œuvres associées, sous une forme ou une autre, aux thèmes de la guerre, du mal et de la violence, et qui comprend, outre ce quatuor, la Symphonie “Leningrad”, la Deuxième Sonate pour piano, la Huitième Symphonie et le Trio». La forme, en cinq parties (un héritage beethovénien), adopte une trajectoire en progression. C’est un Allegretto haydnien qui l’ouvre, sur un ton de légèreté apparente ; Chostakovitch avait songé à l’intituler «Ignorance calme du cataclysme futur», avant de renoncer définitivement à tout sous-titre narratif. Le Moderato con moto suivant («Grondements d’agitation et attente»), prend un caractère plus grinçant, avant le conflictuel Allegro non troppo, tout zébré de stries brutales et irrégulières («Les Forces de la guerre déchaînées»), qui préfigure l’extraordinaire deuxième mouvement de la Dixième Symphonie, écrite après la mort de Staline. S’ensuit un Adagio désolé, entre passacaille – une écriture chère au compositeur – et marche funèbre, qui est le cœur psychologique de l’ouvrage («Hommage aux morts»), et qui ouvre sur le finale. Celui-ci récapitule les pages précédentes et clôt le quatuor sur l’interrogation d’un mi suraigu à la dissonance irrésolue. La création de l’œuvre, le 16 décembre 1946, fut un immense succès ; elle fut cependant, comme nombre d’autres partitions de Chostakovitch taxées de «formalisme» – insulte suprême –, mise à l’index peu après, alors que les purges jdanoviennes commençaient.

– Angèle Leroy

Polska

Amie séculaire de la France, la Pologne se distingue par une richesse musicale extraordinaire et une scène artistique foisonnante. La saison 2025/2026 de l’Auditorium met en lumière ces trésors, offrant une occasion unique de découvrir ou redécouvrir les œuvres de compositeurs tels que Szymanowski, Lutosławski, Bacewicz, Szpilman, Zarębski, Kurpiński, Weinberg, Tansman et bien sûr Chopin. Des artistes polonais de renom – Marta Gardolińska, Karol Mossakowski, l’ensemble Arte dei Suonatori, le Quatuor Equilibrium, entre autres – nous honorent par ailleurs de leur présence à Lyon, apportant leur talent pour enrichir ce fil rouge artistique aussi captivant qu'original.

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