Notes de programme

MENDELSSOHN

Sa. 17 oct. 2020

Programme détaillé

Felix Mendelssohn Bartholdy (1809-1847)
Sinfonia pour cordes n° 10, en si mineur
[11 min]

Concerto pour violon et orchestre en mi mineur, op. 64
I. Allegro molto appassionato
II. Andante – Allegretto non troppo
III. Allegro molto vivace
[26 min]

– Entracte –

Georges Enesco (1881-1955)
Octuor à cordes en ut majeur, op. 7
(Version pour orchestre à cordes)
I. Très modéré
II. Très fougueux
III. Lentement
IV. Moins vite, animé, mouvement de valse bien rythmée
[38 min]

Orchestre national de Lyon
Rosanne Philippens 
violon et direction

Introduction

En mai 2019, la violoniste Alexandre Conunova a dû annuler ses concerts avec l’Orchestre national de Lyon. Nous l’avons déploré, mais ce genre de choses arrive, et généralement à la dernière minute. Cette annulation posait un problème particulier, car Conunova devait à la fois jouer la partie soliste et diriger les cordes de l’Orchestre national de Lyon dans les Quatre Saisons d’Antonio Vivaldi et les Quatre Saisons de Buenos Aires d’Astor Piazzolla. Il nous fallait donc trouver un musicien aux multiples talents, capable en outre de «danser le tango, tout en portant une perruque poudrée et une crinoline».

C’est alors qu’est entrée en scène la violoniste néerlandaise Rosanne Philippens, aussi à l’aise dans les grandes salles de concert mondiales ou dans les festivals internationaux de musique de chambre qu’au sein de son excentrique Amsterdam Salon. Une violoniste qui a parcouru de petites villes avec un programme solo, s’entretenant avec le public et s’inspirant de leurs commentaires pour réaliser son dernier CD, Insight – un voyage à travers la Deuxième Partita pour violon de Bach, entrecoupée de musiques de Biber, Ysaÿe, Enesco, le tout relié par ses propres improvisations.

Il va sans dire que les concerts qu’elle a donnés avec notre orchestre ont rencontré un énorme succès. Nous sommes donc très heureux de l’accueillir pour ce qui sera de nouveau une soirée exaltante.

Cette fois-ci, elle dirigera nos musiciens dans l’illustre Concerto pour violon de Mendelssohn, ainsi que dans le magistral Octuor de Georges Enesco. Cette dernière œuvre ne sera pas jouée à huit musiciens, comme nous pouvions nous y attendre : l’ONL a saisi la possibilité offerte par Enesco lui-même d’interpréter l’œuvre avec un orchestre à cordes complet. Dans ce cas, c’est au musicien meneur de décider quels passages doivent être joués par des solistes ou par le groupe entier. Les répétitions promettent donc d’être un processus créatif intéressant pour tous les musiciens impliqués. Et nous pourrons tous en savourer le résultat.

Ronald Vermeulen
Délégué artistique de l’Auditorium-orchestre national de Lyon

Mendelssohn, Sinfonia pour cordes n° 10

Felix Mendelssohn Bartholdy
Sinfonia pour cordes n° 10, en si mineur

Composition : de 1821 à 1823, parmi les treize symphonies pour cordes seules.
Création : création privée, probablement au cours des dimanches musicaux donnés dans la demeure de la famille Mendelssohn à partir de 1822, événements au cours desquels Felix et Fanny se produisaient pour l’élite culturelle berlinoise. 

Né dans un foyer d’une très grande richesse culturelle et intellectuelle, Felix Mendelssohn Bartholdy apprit la musique sous la direction de sa mère, révélant très jeune d’évidents dons artistiques. Impressionné par le talent de son fils, tant en dessin qu’en musique, Abraham Mendelssohn décida en 1818 de confier son éducation à un professeur particulier, historien à l’université de Berlin, tandis que l’enfant se perfectionnait en piano auprès d’un élève de Muzio Clementi. L’année suivante, Felix compléta sa formation par l’étude du violon avec un musicien de la cour, puis de l’orgue en 1820, rejoignant cette même année avec sa sœur Fanny le chœur de l’Académie de chant de Berlin. Fondée en 1791 par Carl Fasch et dirigée depuis 1800 par Carl Friedrich Zelter, cette Académie avait pour objectif de faire vivre la musique chorale sacrée du XVIIIe siècle. Les deux jeunes Mendelssohn avaient assisté fascinés à diverses répétitions d’œuvres de Johann Sebastian Bach et Georg Friedrich Haendel ; dès 1819, Zelter enseigna donc à Fanny, puis à son frère, la théorie musicale et la composition.

Fondé sur l’étude des œuvres du passé et étayé par un traité de Johann Philipp Kirnberger diffusant les méthodes pédagogiques de Bach, l’enseignement de Zelter comprenait de nombreuses techniques d’écritures anciennes – basses figurées, chorals, contrepoint –, associées à l’étude des formes du classicisme relevées dans les œuvres de Wolfgang Amadeus Mozart ou Joseph Haydn. En quelques mois, le jeune Mendelssohn apprit ainsi à maîtriser ces techniques du passé, qu’il distilla ensuite dans son propre travail.

Composées entre 1821 et 1823 – de 12 à 14 ans –, les treize Symphonies pour cordes seules sont donc largement nimbées de l’influence du dernier baroque et du classicisme. Le choix de la formation lui-même est révélateur : loin d’explorer les nouveaux chemins sonores ouverts par Ludwig van Beethoven (1770-1827) depuis la Troisième Symphonie, «Eroica» (1803-1804), Mendelssohn se limite à l’orchestre à cordes, fondement de l’orchestre classique.

Si la plupart de ces symphonies sont en trois mouvements, à l’instar des premières œuvres de Haydn, la Sinfonia pour cordes n° 10 n’en comprend qu’un, ouvert par un «Adagio» et clôt par une coda «Più presto».

Emmaillé de délicats ornements aux accents galants, l’«Adagio» introduit les deux tonalités principales de l’œuvre, si mineur et majeur, piliers harmoniques de la forme sonate centrale. Dans la plus pure tradition classique, l’exposition de sonate propose ensuite deux mondes opposés, un premier tourmenté, parcouru de chromatismes et couleurs diminuées, et un second beaucoup plus lumineux, en longues phrases legato accompagnées de simples figures d’arpèges, suivi d’une section aux notes joyeusement piquées. Ces deux mondes dialoguent alors dans un court développement central, succédé d’une réexposition au ton de si mineur avant une coda presto en trémolos virtuoses.

Coline Miallier

Mendelssohn, Concerto pour violon en mi mineur

Felix Mendelssohn Bartholdy
Concerto pour violon et orchestre en mi mineur, op. 64

Composition : début en 1838, fin en septembre 1844 à Soden (Allemagne).
Création : Leipzig, Gewandhaus, 13 mars 1845, par le dédicataire, Ferdinand David, l’Orchestre du Gewandhaus et Niels Gade (direction).

Adolescent prodige, Felix Mendelssohn compose dès treize ans une première œuvre concertante, le Concerto pour piano en la mineur. Dans la foulée, il écrit le Concerto pour violon et orchestre à cordes en ré mineur. Si cette pièce avoue le tribut de l’adolescent à Mozart et à la forme classique, elle contient déjà suffisamment de beautés et de maturité pour que Yehudi Menuhin ait eu envie, en 1952, de la tirer de l’oubli. Le jeune homme continue sur sa lancée avec un concerto pour violon et piano, deux concertos pour piano, musiques volubiles, flamboyantes, malgré la timidité, encore, de leur esprit d’aventure.

«Comment vais-je m’y prendre ?»

Au contraire de ces partitions de jeunesse, le Concerto pour violon en mi mineur est une œuvre de pleine maturité. Alors que, dans les décennies précédentes, les concertos pour violon avaient été surtout le fruit de virtuoses (Nicolò Paganini, Charles-Auguste de Bériot, Heinrich Wilhelm Ernst, Henri Vieuxtemps…), le pianiste et organiste Mendelssohn reprend le flambeau du concerto de Beethoven (1806) et ouvre la voie à la floraison de grands concertos romantiques : Schumann, Bruch, Brahms, Tchaïkovski, Dvořák, Goldmark…

Six années de gestation furent nécessaires. Dès 1838, Mendelssohn écrivait à Ferdinand David, Konzertmeister de l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig : «J’aimerais te composer un concerto pour violon d’ici à l’hiver prochain ; il m’en trotte un dans la tête, en mi mineur, dont le début ne me laisse pas en paix.» La tâche se révéla plus ardue qu’il n’y paraissait de prime abord. Le violoniste promit en retour de «tellement le travailler que les anges du ciel se réjouir[aie]nt». Cela n’empêcha pas Mendelssohn de s’inquiéter : «Tu voudrais quelque chose de brillant, mais comment vais-je m’y prendre ?» Il n’acheva finalement son œuvre qu’en septembre 1844, lors de vacances à Soden, près de Francfort. Encore voulut-il, de retour à Leipzig, recueillir les conseils de David. Ensemble, les deux musiciens révisèrent la partie soliste, en particulier la cadence du premier mouvement.

Le compositeur ne put diriger lui-même la première exécution du concerto, le 13 mars 1845, au Gewandhaus de Leipzig ; souffrant, il laissa la baguette de son orchestre au compositeur et chef d’orchestre danois Niels Gade. Il dut attendre jusqu’au 3 octobre 1847 pour entendre enfin ce qui resterait sa dernière œuvre orchestrale : la partie de violon solo était alors tenue par un jeune prodige hongrois, József Joachim, alors âgé d’à peine seize ans. Joachim était l’élève de David au conservatoire de Leipzig, fondé quatre ans plus tôt et dont Mendelssohn avait occupé les postes de directeur et de professeur de piano et de composition. Ce concert fut la dernière grande joie du compositeur, qui succomba à une attaque un mois plus tard.

Au fil de la partition

Les difficultés techniques (traits véloces, doubles-cordes, octaves parallèles) suffisent largement à assurer le succès du soliste mais restent toujours parfaitement intégrées au discours musical. Toutefois, quel que soit l’apport de David, la conception du compositeur reste perceptible dans toute son originalité, notamment dans cette ambivalence typiquement mendelssohnienne entre une fidélité à certains idéaux classiques de pureté et d’équilibre (textures limpides, carrures régulières, phrases élégantes) et un tempérament profondément romantique et original. Inédit, le concerto l’est déjà par sa tonalité de mi mineur, moins courue en matière de concerto pour violon que le royal majeur, mais propre à privilégier le lyrisme et la rêverie. Mais c’est sur le plan de la forme que Mendelssohn fait preuve de la plus grande inventivité, surtout dans le premier mouvement, une forme sonate bithématique largement revisitée. On remarquera ainsi la manière dont le soliste s’élance dès la deuxième mesure, faisant fi de la traditionnelle première exposition des thèmes par l’orchestre ; les bribes du premier thème, aménagées en sol majeur (tonalité du second thème), qui viennent clore l’exposition ; l’irruption de la cadence de soliste à un endroit inattendu, la fin du développement, et la manière dont elle se glisse dans la réexposition au lieu d’appeler le retour de l’orchestre, comme le veut la tradition, par un trille appuyé sur l’accord de dominante ; et, dans la réexposition, le double énoncé du second thème, l’un, attendu, en mi majeur, l’autre beaucoup plus surprenant et confié au soliste, en ut majeur : par un procédé que les publicitaires appelleraient le teasing, Mendelssohn prépare ainsi l’oreille à la tonalité du mouvement central.

Dans le tintamarre d’une cadence en mi mineur très marquée, le premier mouvement s’achève ; on remarque à peine, alors, que le premier basson émerge de l’accord final sur un si, lequel enfle et sert de fil, ténu, pour relier ce qui précède à l’Andante central. La nouvelle tonalité, ut majeur, s’établit en deux mesures d’accords enchaînés, et Mendelssohn prouve à l’occasion son habileté à mener des transitions courtes mais efficaces. Deux thèmes s’opposent dans le deuxième mouvement, un Andante de forme ABA. Le premier laisse s’épancher le violon au-dessus d’un orchestre discret, dans un climat lyrique qui rappelle celui de certaines Romances sans paroles pour piano. Le second, plus véhément (la mineur), fait intervenir cuivres et timbales jusque-là muets, sur un grondement sourd que soulignent violoncelles et contrebasses en pizzicatos. Les autres cordes s’animent en batteries de triples croches, et le violon solo fait alterner des doubles-cordes ardues et des octaves grinçantes. Le premier thème réapparaît, très subtilement, alors que l’accompagnement inquiet de la section centrale ne s’est pas encore éteint. Ce tuilage, nouveau coup de maître, renforce la fluidité du langage.

Après une cadence parfaite, quatorze mesures d’une transition Allegretto non troppo permettent d’amener, à nouveau sans rupture, le finale – un morceau bouillonnant et virtuose, qui vaut au soliste un triomphe assuré. On reconnaît, dans la légèreté de ces traits espiègles en staccato, le charme piquant de la Symphonie italienne et surtout l’univers féerique du Songe d’une nuit d’été. Les timbres sylvestres des flûtes et des clarinettes ponctuent gaiement les pirouettes du violon. Dans cette forme sonate en mi majeur (comme l’ouverture du Songe), le second thème apporte de brefs instants d’un lyrisme plus humain, mais le facétieux lutin Puck a tôt fait de reprendre le devant de la scène. Le concerto s’achève brillamment, alors que l’allégresse et la magie s’emparent complètement des musiciens.

Claire Delamarche

Enesco, Octuor op. 7

Georges Enesco
Octuor à cordes en ut majeur, op. 7

Composition : 1900.
Création : 1909, Paris, Théâtre des arts, à Paris, par les Quatuors Chailley et Geloso.

Né en 1881 à Liveni-Vîrnav (Moldavie), Georges Enesco avait 5 ans à peine lorsqu’il prétendit devenir compositeur ; premières gammes sur des formes imposantes : La Terre roumaine, véritable opéra pour violon et piano ! Après un passage à Vienne, il s’installe à Paris où il a pour professeurs Fauré, Massenet, Schmitt et Gédalge, ainsi que Marsick pour l’instrument ; «Au fond, expliqua-t-il plus tard, s’il est vrai que j’adorais Paris, je m’y sentais – artistiquement parlant – un peu dépaysé. On y était trop cérébral pour moi, qui demeurais, malgré tant de kilomètres franchis, le petit garçon tendre et têtu qui avait vu le jour, tout là-bas, dans une plaine de Roumanie.» Roumain, Enesco le demeura dans la majeure partie de son œuvre, du Poème de jeunesse jusqu’à l’Ouverture de concert de 1949. Et encore ne faut-il pas confondre, ainsi qu’il le rappela lui-même, la musique tsigane avec la musique populaire. Peu à peu, sa musique se fit le croisement d’expériences différentes, au contact de Massenet et de Delibes, de la fameuse légèreté parisienne, de la grande Vienne cosmopolite de Haydn, de Mozart et de Beethoven, de Brahms aussi, dont Enesco se souvenait si bien pour avoir joué sous sa direction au sein d’un orchestre d’élèves. Wagner et Saint-Saëns, Ravel et Debussy furent aussi ses modèles.

«Des deux Rhapsodies, j’en ai plein le dos»

Finalement, le malheur d’Enesco fut celui de n’être le compositeur que de rares œuvres sélectionnées par le public, au détriment d’une production beaucoup plus vaste et diversifiée. En 1950, en réponse à une invitation, il écrivait à Denyse Favareille : «Des deux Rhapsodies, j’en ai plein le dos, et particulièrement de la Première. Je veux bien que l’on parle de ma Symphonie en mi bémol op. 13, de mon Dixtuor à vents op. 14, de mon Octuor à cordes op. 7, de ma Symphonie concertante pour violoncelle et orchestre op. 8, de mes deux Suites d’orchestre op. 9 et 20 et à la rigueur et par-dessus le marché de la Deuxième Rhapsodie roumaine, mais plus de la Première !!!»

«La mise en valeur des éléments thématiques et mélodiques essentiels»

D’un côté, la pensée fragmentaire et discontinue de la rhapsodie, aux formes quasi improvisées et aux motifs simplement juxtaposés ; de l’autre, la pensée cyclique, assurant à l’édifice musical une nouvelle cohérence grâce à l’unité de son matériau thématique : conçu un an avant les deux Rhapsodies roumaines, l’Octuor peut déconcerter l’amateur des pièces plus emblématiques du compositeur. Préfaçant une nouvelle édition de son œuvre, Enesco revint sur ce qui en avait motivé l’écriture : «Cet octuor, œuvre cyclique, présente de plus la particularité suivante : étant divisé en quatre mouvements distincts, à la manière classique, ces mouvement s’enchaînant entre eux forment un seul mouvement de symphonie, où les périodes, sur un plan très élargi, se succèdent selon les règles de la construction d’une première partie de symphonie. Il est à noter, pour son exécution, que l’on ne doit pas trop insister sur certains artifices contrapuntiques afin de permettre la mise en valeur des éléments thématiques et mélodiques essentiels.»

«Un ingénieur lançant sur un fleuve son premier pont suspendu»

Dès ses premières pages, l’Octuor révèle l’ambiguïté et la richesse de la démarche : après un thème en octaves accompagné d’une simple pédale de violoncelle, sujets et contre-sujets s’entrelacent dans une structure polyphonique extrêmement complexe. Une structure digne des plus grands polyphonistes, tandis que subsistent encore quelques couleurs modales et contours mélodiques aux origines plus populaires. Parce que chaque partie de la forme doit être autonome et participer, grâce aux enchaînements, à la construction d’un seul et grand mouvement, parce qu’un même motif assure l’unité motivique malgré les changements de caractères, la pensée cyclique évoque à la fois les innovations franckistes et les recherches lisztiennes : «Je m’épuisais à faire tenir debout un morceau de musique articulé en quatre segments d’une telle longueur que chacun d’eux risquait à tout instant de se rompre. Un ingénieur lançant sur un fleuve son premier pont suspendu n’éprouve pas plus d’angoisse que je n’en ressentais à noircir mon papier réglé. Mais cette recherche était passionnante

Pour maintenir ce pont suspendu dans les airs, l’Octuor recourt à la vieille forme sonate, garante d’équilibre et de dynamique car résolvant les conflits thématiques et tonals grâce à la réexposition. Après une section lente présentée par son auteur comme une «sorte de nocturne» ou de «déploration quasi funèbre», les thèmes se superposent dans le finale pour retrouver leur unité originelle. Une unité d’autant plus perceptible qu’ils semblent nés d’un même noyau, et s’engendrent les uns les autres dans une idée de complémentarité plutôt que de véritable opposition. Comme pour un pont suspendu, la qualité de l’Octuor dépend de la légèreté de l’ouvrage ; les idées se maintiennent entre elles dans une savante combinaison de lignes de force.

Cette architecture extraordinaire ne parvint toutefois pas totalement à convaincre ; le chef Édouard Colonne, contrairement à son fils qui trouvait l’Octuor «horriblement beau», décréta que celui-ci était finalement «plus horrible que beau», le bannit de ses programmes après cinq répétitions et le condamna à neuf longues années d’attente. Peut-être dans l’espoir d’en faciliter la diffusion, Georges Enesco invita alors les orchestres à se l’approprier : «On pourra jouer cette œuvre avec un orchestre à cordes complet, à condition de confier certains passages chantant à des solistes. Je m’en remets au choix judicieux de MM. les Chefs pour décider des passages à jouer en solo.» C’est le parti retenu par l’Orchestre national de Lyon et sa cheffe du jour, Rosanne Philippens.

François-Gildas Tual

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