Notes de programme

LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ

Ven. 3 juin 2022

Retour au concert du vendredi 3 juin 2022

Programme détaillé

Felix Mendelssohn Bartholdy (1809-1847)
Ouverture du Songe d’une nuit d’été

[13 min]

Gabriel Fauré (1848-1924)
Fantaisie pour flûte et orchestre de chambre op. 79

Andantino – Allegro

[6 min]

Philippe Hersant (né en 1948)
Dreamtime

[18 min]

--- Entracte ---

Joseph Haydn (1732- 1809)
Symphonie n° 99, en mi bémol majeur, Hob. I:99

I. Adagio – Vivace assai
II. Adagio
III. Menuetto : Allegretto – Trio – Menuetto da capo
IV. Finale : Vivace

[25 min]

Interprètes

Orchestre des Pays de Savoie 
Pieter-Jelle de Boer 
direction
Joséphine Olech flûte

Mendelssohn, Ouverture du Songe d’une nuit d’été

Composition : 1826.
Création : Stettin (Allemagne), 29 avril 1827 à Stettin, sous la direction de Carl Loewe.

Certaines œuvres sont si jaillissantes, si exemptes de traces d’efforts qu’elles semblent être nées comme par enchantement. Tel est le cas de l’ouverture inspirée par Le Songe d’une nuit d’été de Shakespeare à un Mendelssohn de 17 ans : une œuvre étonnamment mûre, dont l’équilibre, la fraîcheur, l’imagination ne laissent d’étonner. Le jeune homme, il est vrai, était loin de débuter. Enfant prodige, doué pour tous les arts et doté de la meilleure éducation, il avait déjà à son actif cinq opéras, treize symphonies pour cordes, quatre concertos et nombre de pièces pour piano, orgue, chœur ou formations de chambre – notamment, en 1825, son premier grand chef-d’œuvre : le magnifique Octuor à cordes en mi bémol

L’année suivante, Mendelssohn tombe sous le charme du Songe d’une nuit d’été et le lit avec avidité en compagnie de sa sœur bien-aimée, Fanny. Sous le coup de cette découverte, il écrit à Fanny : «Je me suis habitué à composer dans notre jardin. Aujourd’hui ou demain je vais aller y rêver le Songe d’une nuit d’été. J’en suis tout excité !»

Ce rêve s’incarne dans une ouverture pour piano à quatre mains achevée le 6 août, que Felix et Fanny jouent devant un public d’amis à la fin de l’été, lors d’une soirée offerte dans la demeure familiale. L’œuvre est ensuite orchestrée en vue d’un concert donné le 29 avril 1827 à Stettin, sous la direction du compositeur Carl Loewe : ce sera le premier grand succès public de Mendelssohn.

Malgré l’apparente facilité d’écriture que dégage l’ouverture, elle a coûté pas mal de sueur au compositeur. Lorsqu’il montre les premières esquisses à Adolph Marx, le jeune Felix se voit répondre que les accords initiaux et la danse légère des elfes sont charmants, mais sans rapport avec la pièce. Blessé, il demande toutefois à son ami et mentor comment rendre l’ouverture plus fidèle à Shakespeare. Marx évoquera plus tard cet échange : «Seule l’allusion à l’errance des amoureux, dans le premier thème, pouvait être sauvé… tout le reste devait être réécrit. J’insistai pour prévoir un moment pour les clowns et même pour les ardents braiments de Bottom

Mendelssohn se rangera à l’avis de Marx, donnant au morceau la forme qu’on lui connaît aujourd’hui.

– Claire Delamarche

Fauré, Fantaisie pour flûte et orchestre

Version originale (flûte et piano) : 1898.
Dédicace : au flûtiste Paul Taffanel. 
Orchestration (Louis Aubert) : 1957. 

La Fantaisie pour flûte et piano de Fauré ne figure pas au rang de ses œuvres majeures. Cela tient sans doute aux circonstances de sa composition : elle fut écrite pour le concours de fin d’année de la classe de flûte du Conservatoire de Paris (28 juillet 1898), et dédiée à son éminent professeur, Paul Taffanel, dont Fauré était le collègue, puisqu’il avait été nommé en 1896 professeur de composition dans le même établissement. Mais si l’on joue encore aujourd’hui cette pièce, c’est bien parce qu’elle recèle davantage de musique que la plupart des «morceaux de concours» (ou «saucissons», dans le jargon des candidats !). Sans doute est-elle «bien ficelée», comportant ce qu’il faut de cantabile et de traits de virtuosité pour mettre en valeur les postulants. Mais surtout, comme toujours dans la musique de Fauré, il ne s’y trouve pas une note dénuée de nécessité expressive, pas une phrase banale, pas la moindre trace de médiocrité.

Toute sa vie, Fauré a enseigné la musique et s’est efforcé de transmettre son art avec probité, modestie et dévouement : à l’École Niedermeyer d’abord, ou lors de leçons privées, puis comme inspecteur des conservatoires de province (1894). À partir de 1896, sa classe de composition au Conservatoire de Paris, restée célèbre, réunit les espoirs les plus prometteurs de la jeune école française : Maurice Ravel, Charles Kœchlin, Roger Ducasse, Florent Schmitt… Enfin, en 1905, il est nommé directeur du Conservatoire, et entreprend des réformes de fond qui bousculent tant la routine accumulée qu’elles lui valent un temps le surnom de «Robespierre». C’est que «le doux Fauré» est intransigeant quant à la qualité de l’enseignement, et il fait passer la musique avant toutes choses. C’est ainsi qu’il s’entoure des meilleurs maîtres, et nomme, entre autres, Paul Dukas et Claude Debussy au conseil supérieur de l’établissement. Le souci essentiel de Fauré est de donner aux élèves non seulement des bases techniques solides, mais une véritable éducation de la sensibilité artistique. Il réforme le déroulement des études, accordant une plus grande place à la musique de chambre, élargissant le répertoire aux chefs-d’œuvre du passé, composant lui-même de nombreux pièces pour les épreuves de lecture à vue et commandant des morceaux de concours à de grands compositeurs tels Dukas, Debussy ou Ravel. 

Ainsi, la Fantaisie de 1898 anticipe cette action exemplaire au service de la musique. On peut désormais oublier les circonstances qui l’on fait naître : transformée par l’orchestration de Louis Aubert en pièce concertante, elle révèle tout son charme mélodique, sa subtilité harmonique, sa volubilité radieuse. 

– Isabelle Rouard

Hersant, Dreamtime

Composition : 2013.
Création : Paris, Théâtre des Champs-Élysées, 14 janvier 2014, par Emmanuel Pahud (flûte) et l’Orchestre de chambre de Paris sous la direction de Thomas Zehetmair.
Commande : Orchestre de chambre de Paris.
Dédicace : à Emmanuel Pahud.

Ce concerto pour flûte et orchestre s’inscrit dans une série d’œuvres (Songlines, Dreaming Tracks, Au temps du rêve) qui m’ont été inspirées par les mythes aborigènes australiens. J’ai découvert ceux-ci à travers le livre de Bruce Chatwin Le Chant des pistes, et la visite de plusieurs expositions de peinture aborigène, dont celle présentée il y a quelques années au musée des Arts premiers à Paris. 

«Les mythes aborigènes de la création, écrit Chatwin, parlent d’êtres totémiques légendaires qui avaient parcouru tout le continent au temps du Rêve. C’est en chantant le nom de tout ce qu’ils avaient croisé en chemin – oiseaux, animaux, plantes, rochers – qu’ils avaient fait venir le monde à l’existence.» Frappé par la beauté de ce mythe, j’ai choisi d’intituler cette œuvre Dreamtime en hommage à ces nomades ancestraux.

– Philippe Hersant

Haydn, Symphonie n° 99

Composition : 1793.
Création : Londres, Concerts Haydn-Salomon, 10 février 1794, sous la direction de l’auteur.

Joseph Haydn a passé trois décennies au service de Nicolas Esterházy «le Magnifique», dans le somptueux palais, Eszterháza, que le prince hongrois s’était fait construire à l’image de Schönbrunn. Trois décennies prolifiques, mais décennies années dans une prison dorée. À la mort du prince lui succède son fils Antoine, beaucoup moins versé dans les arts. Il renvoie les musiciens, et Haydn, s’il n’est pas congédié, est soudain dégagé de toute obligation. Il peut enfin répondre à l’appel de Londres, où sa renommée est colossale sans qu’il ait jamais pu y séjourner. À l’invitation du violoniste et impresario Johann Peter Solomon, il y fait deux longs séjours, en 1791-1792 et 1794-1795, et, lors de chacune des années 1791, 1792 et 1794, il codirige avec lui douze concerts (la saison 1795 tombera à l’eau en raison de la guerre). Le succès est énorme, et Haydn se réjouit d’entendre ses œuvres jouées par un orchestre plus développé que celui d’Eszterháza.

Au cours de chaque séjour, Haydn présente en outre six nouvelles symphonies. Ce sont donc au total douze symphonies «londoniennes», qui forment un ensemble unique dans l’histoire de la musique. Elles témoignent d’un maître au sommet de son art et qui, comme dopé par une seconde jeunesse, réussit l’alliage idéal entre cohérence et audace, rusticité et élégance, simplicité et sophistication. 

Écrite à Vienne en 1793, entre les deux séjours en Angleterre, la Symphonie n° 99 inaugure le second ensemble des «londoniennes». L’orchestre de Solomon dispose désormais d’une paire de clarinettes ; cette symphonie est donc est donc la première de Haydn à utiliser ces instruments, présents dans toute la série des six dernières «londoniennes» à l’exception de la n° 102. Haydn présente sa nouvelle œuvre au public le 10 février 1794, six jours après son arrivée à Londres.

«Elle éveille et développe toutes sortes d’émotions dans l’âme.»

Le Morning Chronicle relate l’événement : «L’incomparable HAYDN a produit une Ouverture [Symphonie n° 99] de laquelle il est impossible de parler en des termes ordinaires. Il s’agit de l’un des efforts les plus colossaux dont nous ayons jamais été témoin. Elle abonde en idées, aussi nouvelles dans le domaine musical que grandioses et impressionnantes ; elle éveille et développe toutes sortes d’émotions dans l’âme. Elle a été accueillie par des applaudissements frénétiques

Après une seconde exécution la semaine suivante, le journal fait une description plus détaillée mais non moins enthousiaste : «Le premier mouvement fut bissé ; dans le second mouvement, les instruments à vent produisirent un effet enchanteur ; le hautbois et la flûte jouaient superbement juste, mais le basson était à tous points de vue plus parfait et séduisant que tout ce que nous nous rappelons avoir entendu jusque-là de la part d’instruments à vent. Dans le menuet, le trio était particulièrement charmant ; mais à vrai dire le plaisir que donnait l’ensemble fut continu ; et le génie de Haydn, étonnant, inépuisable et sublime, en était le thème principal.» 

Comme toutes les symphonies «londoniennes», la Symphonie n° 99 débute par une introduction lente. Avec ses accents de récitatif d’opéra, c’est l’une des plus intenses que Haydn ait écrites jusqu’alors. À la différence de tant d’autres, elle commence dans le mode majeur ; mais son parcours tonal fait une étape prolongée en ut mineur, ton relatif du mi bémol majeur principal, lequel n’est réintroduit qu’in extremis avant l’irruption de la partie rapide du premier mouvement, Vivace assai.

Ce mouvement déborde d’énergie, et la section de développement est très étoffée, admirable par son invention et son audace. La réexposition ne se contente pas de faire réentendre les thèmes, elle leur confère également un éclairage différent. Le second thème, qui dans l’exposition semblait timide en regard du vigoureux premier mais qui avait eu largement les faveurs du développement, déploie à présent une puissance croissante, jusqu’à la fin en apothéose.

Le second mouvement est en sol majeur, une tonalité assez éloignée du ton principal ; ce choc fait que, dès les premières notes, l’auditeur est transporté dans un ailleurs merveilleux. Ce mouvement lent, de forme sonate lui aussi, est l’un des plus poignants de Haydn. La prédominance des instruments à vent lui donne cette couleur unique qui frappa les premiers auditeurs. La trompette et les timbales y restent présents, fait inhabituel à l’époque ; cela conforte l’idée émise par certains musicologues, selon laquelle il s’agirait d’une élégie funèbre à la mémoire d’une amie du compositeur récemment décédée, Marianne von Genzinger. 

Le menuet adopte un tempo modéré (Allegretto) qu’animent de nombreux contrastes de nuances. Rustique et vigoureux, il lorgne parfois vers le ländler, l’ancêtre campagnard de la valse. Le trio central débute en ut majeur, ce qui constitue une nouvelle surprise tonale. C’est une danse charmante où domine le hautbois, avant que les clarinettes conduisent à la reprise du menuet. 

Au lieu d’un rondo final, avec sa joyeuse alternance d’un refrain et de couplets, Haydn opte pour une forme plus dense, le rondo-sonate, qui combine cet esprit avec la structure plus savante d’une forme sonate. Le cœur du mouvement est le développement, qui fascina le jeune Beethoven ; très élaboré, il fait un usage massif du contrepoint. De nouvelles idées surgissent sans cesse, sans que le mouvement perde jamais de son énergie. 

– C. D.

Les musiciens de l’OPS

Violon solo
Emma GIBOUT

Violons I
Marie-Noëlle ANINAT
Nathalie RETSIN
Claire-Hélène SCHIRRER-GARY
Johan VERON
Frédéric PIAT
Meiko NAKAHIRA
Jesus Manuel LAREZ LEON

Violons II

Madoka SAKITSU°
Laurent PELLEGRINO
Marie-Édith RENAUD
Carole ZANCHI
Joschka FLECHET-LESSIN
Natalia BULAT

Altos
Patrick ORIOL° 
Mathilde BERNARD
Vanessa BORGHI
Brigitte FRECAUT

Violoncelles
Noé NATORP° 
Magali MOUTERDE
Nicolas FRITOT
Yullia KURYLIUK

Contrebasses
François GAVELLE°
Rémi MAGNAN

Flûtes
Émilie BRISEDOU
Marion ROUGON-BETIS

Hautbois
Camille ANDRÉ
Hugues LACHAIZE

Clarinettes
Richard MALBLANC
Martin VAYSSE

Bassons
Carla ROUAUD
Marco Alejandro MEDINA ANDRADE

Cors
Joffrey PORTIER
Richard OYARZUN

Trompettes
David MERCIER
Giuseppe Fortunato FERLITA GIMENEZ

Ophicléide
David PARTOUCHE

Timbales et percussions    
Thomas HOLZINGER

    
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