notes de programme

SCHUMANN / BRAHMS

Ven. 1er mars | sam. 2 mars 2024

Retour aux concerts des ven. 1er mars et sam. 2 mars 2024

Programme détaillé

Éric Montalbetti (né en 1968)
Nachtgebet [Prière nocturne], pour violoncelle et orchestre

Commande de l’Orchestre symphonique d’Odense, de l’Orchestre philharmonique royal de Liège et de l’Auditorium-Orchestre national de Lyon – création française

[12 min]

Robert Schumann (1810-1856)
Concerto pour violoncelle et orchestre en la mineur, op. 129

I. Nicht zu schnell – Etwas zurückhaltend [Pas trop vite – En retenant un peu]
II. Langsam – Etwas lebhafter – Schneller – Schneller und Schneller [Lent – Un peu plus animé – Plus vite – De plus en plus vite]
III. Sehr lebhaft – Schneller [Très vif – Plus vite]

[25 min]

--- Entracte ---

Johannes Brahms (1833-1897) 
Symphonie n° 4, en mi mineur, op. 98

I. Allegro non troppo 
II. Andante moderato 
III. Allegro giocoso – Poco meno presto – Tempo I°
IV. Allegro energico e passionato – Più allegro 

[45 min]

La partition de Nachtgebet est éditée par Allegretto avec le soutien du CNM (Centre national de la musique).

Distribution

Orchestre national de Lyon
Nikolaj Szeps-Znaider 
direction
Truls Mørk violoncelle

Introduction

De son écriture toujours foisonnante et suggestive, Éric Montalbetti taille sur mesure à Truls Mørk une Prière nocturne présentée à Odense, Liège et ce soir, en création française, à Lyon. Par le choix d’un titre en allemand et par les promesses mêmes de ce titre, la pièce forme le prélude parfait au chant crépusculaire du concerto de Robert Schumann.

Cette œuvre de 1850 est le plus lyrique, le plus intime peut-être des concertos pour violoncelle. Le Schumann ne l’entendit qu’au piano, sous les doigts de son épouse Clara. Elle ne fut créée qu’en 1860, quatre ans après le décès tragique du compositeur dans un asile d’aliénés, en proie aux hallucinations.

Après le mentor, son poulain, Johannes Brahms. De toutes les partitions du compositeur hambourgeois, la Quatrième Symphonie (1885) est peut-être la plus magistrale. Sa construction implacable happe dès les premières mesures pour ne plus desserrer son étreinte jusqu’au terme de l’incroyable passacaille formant le mouvement final. Le tout avec une profusion de thèmes, une diversité d’émotions, une majesté irrésistibles..

Montalbetti, Nachtgebet

Composition : 2022.
Commande : Orchestre symphonique d’Odense, l’Orchestre philharmonique royal de Liège et Auditorium-Orchestre national de Lyon.
Création : Odense (Danemark), 7 septembre 2023, par Tanja Tetzlaff et l’Orchestre symphonique d’Odense sous la direction de Pierre Bleuse ; repris en octobre 2023 à Liège et Charleroi par Alban Gerhardt et l’Orchestre philharmonique royal de Liège dirigé par Lionel Bringuier.
Création française. 
Partition :
publiée aux éditions Allegretto avec le soutien du CNM (Centre national de la musique).

Dans le concerto, le dialogue du soliste et de l’orchestre ne se résume pas à une rivalité d’ego ou à une succession de démonstrations techniques. À propos de son concerto pour piano, Schumann rappelait que l’instrumentiste devait réfréner ses désirs de briller. «Au sujet du concerto, je t’ai déjà dit que c’est quelque chose d’intermédiaire entre la symphonie, le concerto et la grande sonate», confiait-il à son interprète bien-aimée, son épouse Clara, lui précisant même être incapable d’écrire «un concerto en vue d’un virtuose». Le concerto est plutôt le fruit d’une rencontre. Non seulement celle du soliste et de l’orchestre, mais aussi celle de l’instrumentiste et du compositeur. Le fruit d’une entente parfaite ou, parfois, celui d’une incompréhension fertile, comme l’a autrefois montré la mésentente de Berlioz et de Paganini à propos de Harold en Italie. Si Truls Mørk n’a pu assurer pour des raisons de santé la création de Nachtgebet, la pièce concertante d’Éric Montalbetti est née d’une discussion entre le violoncelliste et le compositeur à propos du Concerto pour violoncelle de Schumann. Ce concerto, explique Éric Montalbetti, est une «pièce relativement brève. Beaucoup de violoncellistes aimeraient avoir une autre pièce à jouer avant lui. J’ai donc proposé à Truls Mørk une sorte prélude ou de pièce sœur. Depuis des années, ce concerto me bouleverse. Animé d’une énergie joyeuse, il paraît, à plusieurs instants, entrouvrir une porte sur un autre monde. Il y a en lui quelque chose qui nous émeut grandement, un regard tourné vers nos propres profondeurs et qui nous rappellent notre fragilité, avant que la vie ne semble reprendre son cours encore plus passionnément. J’ai souhaité écrire une prière qui surgirait de cette part intime de l’écriture pour s’élever progressivement vers l’espoir».

Une prière donc, mais nocturne tant il est vrai que la poésie schumannienne se nourrit des heures obscures et de leurs échappées oniriques. L’orchestre n’y est plus que bruissement. Dans les nuances les plus douces, il colore le décor de légers soufflets dynamiques, de timbres aux constantes métamorphoses, d’harmoniques de cordes et de glissements d’archet vers le chevalet. «Ziemlich langsam» [Assez lent], écrit Éric Montalbetti au début de la partition. Se mêlant ainsi aux indications en italien et en français, ces deux mots suffisent à témoigner de l’influence du romantisme musical allemand. Pourtant, le compositeur ne veut pas tomber dans le piège du pastiche. Refusant de citer littéralement sa source d’inspiration, il bâtit sa pièce sur une simple idée. D’un unisson traité en Klangfarbenmelodie [mélodie de timbres], surgissent quelques intervalles de secondes et de tierces, ceux-là mêmes qui assuraient à la pièce de Schumann son unité, et auxquels Éric Montalbetti s’attache désormais à appliquer «[son] propre langage et [ses] propres harmonies». Les premières lignes du soliste dessinent ainsi des courbes presque postsérielles. Les mélodies se font les plus gracieuses possibles mais, évitant de retomber sur les mêmes notes, se meuvent dans une troublante ambiguïté harmonique. Lorsque le jour est tombé et que la nuit recouvre la nature de son voile, l’homme perd ses repères, abandonne ses certitudes et, aveuglé, tend l’oreille pour percevoir la réalité des choses qui l’entourent. Le premier motif, précise Éric Montalbetti, «énonce les premières interrogations du soliste. Il est d’abord développé par variations, en jouant bien naturellement du renversement ou de la superposition des premiers intervalles, non sans recourir à quelques techniques sérielles, pour s’épanouir peu à peu dans une coloration plus modale». Le violoncelle parle, ou plutôt chante car «Schumann a fait du violoncelle la voix par excellence pour incarner nos sentiments». Sans doute y a-t-il bien du Schumann dans cette partition, mais peut-être aussi un peu de Schönberg tant le langage y rappelle La Nuit transfigurée du Viennois. Des frémissements de cordes aux répétitions du motif par le soliste, cette musique est irrésistiblement animée. Un drame se joue, sans dénouement car il appartiendra à d’autres musiques d’y apporter leur réponse : «Cherchant le ciel, le violoncelle s’élève en arpèges de plus en plus étendus. Cherchant l’accomplissement, la pièce s’achève dans une autre lumière, comme suspendue, ouverture sur l’infini entr’aperçu dans notre inachèvement

Curieuse évasion romantique que cette Prière nocturne. Par sa poésie autant que par sa musique, puisqu’elle partage ses intervalles essentiels avec le concerto de Schumann comme avec le Concerto «à la mémoire d’un ange» d’Alban Berg, «l’œuvre la plus bouleversante de la seconde école de Vienne» selon Éric Montalbetti. Le parcours personnel du compositeur n’est probablement pas étranger à cette sensibilité. Ayant commencé à écrire dès l’âge de 11 ans, Éric Montalbetti s’est lancé dans une carrière de directeur artistique avant de s’autoriser à s’exprimer en musique. Il ne ressentait plus alors le besoin de s’inscrire dans quelque école mais pouvait enfin se livrer tel que lui-même. Avec Nachtgebet grâce à l’archet de Truls Mørk : «J’ai eu beaucoup de chance pour les premiers concerts au Danemark et en Belgique», raconte Éric Montalbetti. «Tanja Tetzlaff et Alban Gerhardt ont été de magnifiques interprètes. Truls est toutefois le dédicataire et l’initiateur de ce projet, j’ai donc hâte de l’entendre faire vivre ma partition. Je voudrais aussi remercier Nikolaj Szeps-Znaider, qui a accueilli cette proposition avec enthousiasme. Je me réjouis qu’il en dirige la création française, associée à la Quatrième Symphonie de Brahms. Son premier mouvement est, comme le concerto de Schumann, guidé par une succession de tierces et leurs renversements. Un fil conducteur qui unifie secrètement les trois partitions du programme, chacune le suivant à sa façon dans un caractère très différent

– François-Gildas Tual

Schumann, Concerto pour violoncelle

Composition : octobre 1850.
Création : Leipzig, 9 juin 1860.

En septembre 1850, Robert Schumann s’installe avec sa femme Clara et leurs enfants à Düsseldorf, où il a accepté le poste de directeur musical de la Société de musique. Trois ans et demi plus tard, il tentera de se suicider en se jetant dans le Rhin. Interné à l’asile d’aliénés d’Endenich, près de Bonn, il y mourra au bout de deux ans et demi de tourments, hanté par des voix angéliques et la vision d’hyènes et de tigres. 

Toutefois, les premiers temps à Düsseldorf sont heureux. Robert, qui souffrait à Dresde d’un manque de reconnaissance, se réjouit de disposer désormais d’un chœur et d’un orchestre grâce auxquels il pourra faire entendre ses nouvelles compositions. Cette satisfaction stimule sa créativité : en quelques semaines, il écrit le Concerto pour violoncelle et la Troisième Symphonie, la «Rhénane», suivis par une longue série d’œuvres vocales et de chambre. Le 10 octobre, il avait noté dans son journal : «Besoin urgent de composer.» Le 24, il marque fièrement : «Le concerto pour violoncelle achevé

Le 16 novembre, Clara écrit à son tour : «Il me plaît beaucoup et me semble écrit dans un véritable style de violoncelle.» Un an plus tard, toutefois, la partition n’a toujours pas quitté le bureau du compositeur. En octobre 1851, Clara poursuit : «J’ai de nouveau joué de bout en bout le concerto pour violoncelle de Robert [au piano], et cela m’a procuré une heure vraiment musicale et heureuse. Le caractère romantique, la vivacité, la fraîcheur, mais également la manière très intéressante dont le violoncelle et l’orchestre se mêlent sont vraiment très séduisants, et quelle euphonie, quelle profondeur du sentiment on découvre dans tous ces passages mélodiques !» 

Schumann n’entendra jamais le concerto autrement que sous les doigts de son épouse. La création aura lieu en 1860 seulement, quatre ans après sa mort, lors d’un concert donné à Leipzig à l’occasion du cinquantenaire de sa naissance.

Une beauté tranquille

Le lyrisme et la fluidité de l’œuvre lui donnent un caractère inédit. La voix du violoncelle coule sans efforts, virtuose sans être démonstrative, souveraine mais, comme le soulignait Clara, imbriquée à l’orchestre et ne s’opposant jamais à lui en luttes héroïques. Cette beauté tranquille produit un effet pervers : l’œuvre est souvent boudée par les violoncellistes, qui lui préfèrent des pages plus spectaculaires. 

Jusqu’alors, le violoncelle était resté relativement discret dans l’œuvre de Schumann, qui ne lui avait dédié que les Fünf Stücke im Volkston [Cinq Pièces dans le style populaire], pour piano et violoncelle, en 1849. Le concerto se situe directement dans le prolongement de ces morceaux chantants, avec lesquels il présente même des parentés tonales et thématiques.

Même si le concerto adopte le découpage traditionnel en trois mouvements vif – lent – vif, ces mouvements présentent l’originalité d’être reliés par des transitions dans lesquelles le soliste joue un rôle prépondérant. La première d’entre elles ne dure que quatre mesures, mais la seconde est plus développée, formant une véritable cadence avec vingt-quatre mesures et trois indications de tempo principales. 

Autre originalité, c’est le soliste – et non l’orchestre – qui introduit le thème principal du premier mouvement, après trois doux accords de bois et cordes en pizzicatos. Cette ample mélodie semble ne jamais devoir s’arrêter : elle se développe sur près de trente mesures, jusqu’à se fondre dans le tutti orchestral. Ce mouvement est assez fantasque, à l’image de son premier thème. L’humeur y varie promptement, et l’instabilité tonale accentue ce caractère changeant.

C’est presque imperceptiblement que l’on glisse dans le mouvement lent, qui semble tout d’abord n’être qu’un méandre supplémentaire du précédent. Le soliste entonne une nouvelle mélodie, chaude et expressive, hantée par les accords initiaux du premier mouvement. Ce thème présente la particularité d’être accompagné par un contre-chant joué par un autre violoncelle solo, issu de l’orchestre. (Brahms reprendra plus tard l’idée d’un solo de violoncelle dans le mouvement lent de son Concerto pour piano n° 2.) Ce beau duo n’est qu’un exemple parmi d’autres du dialogue constant entre le soliste et l’orchestre. Un autre exemple frappant survient bientôt : à la fin du mouvement lent, le tempo s’anime légèrement et les bois entonnent le thème initial du premier mouvement, relayés au bout de deux mesures et demie par le violoncelle. Le tempo s’embrase, et une cadence du soliste conduit directement au finale, Sehr lebhaft [Très vif]. Son caractère enjoué tranche avec la rêverie passionnée qui a précédé. Au milieu du mouvement, la tonalité de la mineur s’éclaircit en la majeur. Après une dernière cadence du violoncelle, le tempo accélère pour amener une brillante coda.

– Claire Delamarche

Brahms, Symphonie n° 4

Composition : 1884-1885.
Création : Meiningen (Allemagne), 25 octobre 1885, sous la direction du compositeur. 

Brahms écrivit sa Quatrième Symphonie durant les étés 1884 et 1885, dans une station réputée de Styrie, Mürzzuschlag. De retour à Vienne au début de l’automne 1885, il en exécuta par deux fois la réduction pour deux pianos, en compagnie d’Ignaz Brüll. Ces présentations laissèrent les auditeurs perplexes. Le chef d’orchestre Hans Richter et le critique Eduard Hanslick (pourtant admirateurs fidèles de Brahms) jugèrent la partition trop complexe. Elisabeth von Herzogenberg, élève et amie de Brahms, écrivit : «Cette œuvre particulière me semble avoir été composée avec trop de soin, pour être étudiée au microscope, comme si son charme ne devait pas être dévoilé au commun des mortels, comme s’il s’agissait d’un petit monde réservé aux experts et aux initiés.» Max Kalbeck, le biographe du compositeur, lui conseilla d’ajourner la création, de déchirer l’intégralité du troisième mouvement et de publier le finale séparément. Brahms refusa toute modification, mais annula la création, prévue à Vienne.

Encouragé par l’enthousiasme de Hans von Bülow, directeur de l’orchestre ducal de Meiningen, il accepta finalement de confier son œuvre à cette formation qui jouissait d’une solide réputation. Après des répétitions minutieuses, et tout de même quelques retouches, Brahms dirigea triomphalement la création, le 25 octobre. L’Allemagne et les Pays-Bas s’arrachèrent l’œuvre. Alorsque les mesures introductives l’avaient décontenancé, le violoniste József Joachim émit en 1886 ce jugement si juste : «La tension électrisante de l’œuvre entière, la concentration des sentiments, la manière admirable dont les motifs se développent en se mêlant les uns aux autres, plus encore que la richesse et la beauté individuelles des détails, me ravissent à un tel point que j’en suis presque venu à considérer la Symphonie en mi mineur comme ma préférée parmi les quatre.» Seule Vienne resta plus réservée : l’auditoire fut dérouté par l’austérité de cette partition trop saxonne à son goût, et Hugo Wolf attisa en personne une croisade antibrahmsienne. 

L’ombre de Bach règne en effet sur cette œuvre pétrie de contrepoint et nourrie, non seulement dans le finale mais dans son entier, par l’esprit de la passacaille (forme reposant sur des variations sur une basse obstinée). Les thèmes et les idées secondaires découlent les uns des autres et Brahms, animé par un instinct infaillible de la structure générale, plie le choix de ses thèmes à un dessein plus vaste. Formé de tierces et de sixtes éclatées, le premier thème de l’Allegro non troppo initial révèle des possibilités de métamorphoses infinies, et son ambiguïté (des couleurs chaudes, troublées de silences et d’accents inquiets) résume tout le climat de cette symphonie automnale, où les coloris rougeoyants alternent avec les nappes de brume. Dans cette forme sonate, la tentation du monothématisme est indéniable : le second thème est absent du développement central et il est tout juste réexposé. Les motifs secondaires qui surgissent à profusion sont tous rattachés au thème principal.

Page hautement inspirée, l’Andante moderato revient à un bithématisme plus limpide. Hanslick voyait en ce mouvement le plus le plus réussi de la symphonie et «l’une des plus belles élégies écrites par Brahms». Son caractère ambigu survient de l’incertitude tonale et modale qui règne dès ses premières mesures, l’appel de cor initial semblant orienter ce morceau vers do majeur ou la mineur alors que la tonalité principale est un mi majeur fortement teinté de mineur.

L’exubérant Allegro giocoso fut le dernier composé des quatre mouvements, et Brahms le conçut comme un élément de contraste entre le mouvement lent et le finale. La gaîté rustique de ce scherzo est soulignée par sa claire tonalité d’ut majeur et l’emploi, exceptionnel chez Brahms, d’une percussion autre que la timbale (en l’occurrence le triangle), d’un piccolo et d’un contrebasson.

Toute la symphonie tend vers le somptueux finale en passacaille, apologie de la variation et du contrepoint. Brahms s’est préparé longuement à ce monument avec le Sextuor op. 18, les Variations pour piano sur un thème de Haendel, les Variations pour orchestre sur un thème de Haydn et la transcription pour main gauche seule de la fameuse Chaconne pour violon seul de Bach (extraite de la Partita en ré mineur). Sur fond d’un diatonisme très classique, Brahms ose des enchaînements harmoniques saisissants, et la manière dont l’on glisse d’une variation à l’autre tient du génie. Le thème, jumeau d’un thème utilisé par Bach dans le chœur final de sa Cantate BWV 150, «Nach Dir, Herr, verlanget mich», est présenté par un orchestre hiératique de bois et de cuivres ; on y remarque l’irruption des trois trombones, absents jusque-là. Il fait ensuite l’objet de trente variations de huit mesures chacune, où il paraît selon le cas à la basse, au chant ou dans les voix intermédiaires, présenté de manière ostensible ou plus secrète. 

Après un premier ensemble tout de passion et de majesté en mi mineur (variations 1 à 11), un solo de flûte introduit la série des quatre variations centrales, modulant en mi majeur, dans lesquelles le climat s’apaise et le temps s’étire (la mesure passe de 3/4 à 3/2, la noire restant égale, ce qui revient à diviser le tempo par deux). Le retour de mi mineur et l’énoncé du thème presque à nu, dans toute sa splendeur (variation 16), lancent la dernière série de variations. Toute la tension accumulée éclate dans la grandiose coda Più allegro, préparée par un ritardando saisissant. Au contraire d’une tradition bien ancrée, Brahms n’amène jamais le mode majeur. Jusqu’au bout, la symphonie suit son parcours sombre et exalté, mue par une impression d’inéluctabilité qui est la marque des plus grandes partitions.

– C.D.

Auditorium-Orchestre national de Lyon

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