Aller au contenu principal

Notes de programme

Le Vent

Jeu. 16 oct. 2025

Générique du film

Victor Sjöström (1879-1960)
Le Vent

[The Wind]

États-Unis, 1928, noir et blanc, muet, copie restaurée [1h12]

Réalisation : Victor Sjöström (sous la forme américanisée de son nom, Victor Seastrom)
Scénario : Frances Marion, d’après le roman de Dorothy Scarborough The Wind (1925)
Montage : Conrad A. Nervig
Photographie : John Arnold
Assistant réalisateur : Harold S. Bucquet
Production : André Paulvé et Fred Orain
Société de production : Metro-Goldwyn-Mayer
Dates de sortie : 23 novembre 1928

Film restauré en 4K par le MoMA (Museum of Modern Art de New York), avec le soutien du Lillian Gish Trust for Film Preservation.

Interprètes

Lillian Gish : Letty
Lars Hanson : Lige
Montagu Love : Roddy
Dorothy Cumming : Cora
Edward Earle : Beverly
William Orlamond : Sourdough
Carmencita Johnson, Laon Ramon et Billy Kent Schaefer : les efants de Cora

Musique

Carl Davis
Restauration et adaptation : Timothy Brock

Distribution

Orchestre national de Lyon
Timothy Brock 
direction

En coproduction avec l’Institut Lumière, dans le cadre du festival Lumière.

Introduction

Tout juste orpheline, la jeune Letty (Lillian Gish) quitte la Virginie et trouve refuge chez son cousin, qui possède dans l’Ouest profond un ranch. Elle est rapidement tourmentée par l’atmosphère hostile qui règne dans ces lieux. Dans ce paysage écrasé de soleil, souffle sans relâche le vent. Incarné par un cheval sauvage, il est une métaphore de la concupiscence du cousin de Letty, de la pression psychologique que celui-ci exerce sur elle, et se transforme en image même de la mort. Adaptation du roman homonyme de Dorothy Scarborough (1925) par la scénariste Frances Marion pour la MGM, cette merveille des dernières années du muet mêle les codes hollywoodiens au naturalisme scandinave et offre une sublime synthèse de l’œuvre du cinéaste suédois. Maître des bandes sonores de films muets burlesques, le compositeur américain Carl Davis fait la preuve d’un talent tout aussi puissant dans le genre tragique, avec cette partition qui requiert un orchestre à cordes et de nombreuses percussions. Cette partition magistrale a été restaurée et préparée par Timothy Brock, fidèle partenaire des ciné-concerts de  l’Auditorium, qui la présente à la tête de l’Orchestre national de Lyon.

Texte : Auditorium-Orchestre national de Lyon

La partition de Carl Davis

Carl Davis (1936-2023) mérite une grande reconnaissance. Excellent compositeur, il a, avec ses collègues Kevin Brownlow et David Gill, ouvert la voie à la musique moderne pour films muets, que nous suivons encore aujourd’hui. La musique pour Le Vent de Victor Sjöström compte parmi ses plus grandes réalisations.

Écrite pour orchestre à cordes et percussions en 1983, la partition est d’une puissance implacable et a cet impact que seuls ces instruments peuvent procurer. Grâce à un pupitre de percussions aussi étoffé que varié, elle donne cette sensation d’un grain de sable dans l’oreille dont il est impossible de se débarrasser.

L’un des traits qui font le prix des partitions de Davis est leur musicalité sans faille. Davis tenait beaucoup à ce que ses compositions soient plus musicales que cinématographiques dans leur construction, caractéristique que j’ai reprise dans mes propres compositions pour le cinéma muet. Cela permet une plus grande souplesse dans l’interprétation, le tempo et l’expression, tout comme la musique pure et absolue s’y prête. Ses partitions sont extrêmement descriptives, mais elles sont construites de telle manière que la musique permette l’impulsivité, la spontanéité et la liberté qui sont la définition même de ce que doit être la musique d’un film muet : des réactions instinctives aux personnages à l’écran. Les partitions de Davis donnent toujours l’impression qu’il regarde le film pour la première fois avec vous.

Quelle que soit l’excellence des musiques comiques de Davis, j’admire plus encore ses musiques dramatiques. Grâce à sa compréhension  aiguë du fonctionnement du drame, il écrit des partitions d’une qualité très rare. J’ai récemment dirigé sa musique pour La Chair et le Diable de Clarence Brown, rarement jouée de nos jours. J’ai été impressionné par le raffinement et la maestria avec lesquels il développe son matériau thématique, qui évolue en même temps que les personnages, sans jamais déborder du cadre du film. 

Composé un an plus tard, Le Vent suit les mêmes principes. Cette partition adopte un langage harmonique plus simple, mais aussi plus brutal, plus impitoyable. C’est pour le désespoir du personnage de Lillian Gish que Davis écrit, et les dissonances harmoniques s’intensifient à mesure que le personnage s’isole et que sa situation devient plus désespérée. Davis témoigne dans cette partition de très peu de sympathie envers le personnage masculin, et à juste titre. 

– Timothy Brock
Traduction : Auditorium-Orchestre national de Lyon