Notes de programme

Concert du jury

Ven. 4 nov. 2022

Concours Olivier Messiaen

Retour au concert du vendredi 4 novembre 2022

CONCERT DU JURY
DANS LE CADRE DU CONCOURS INTERNATIONAL D’ORGUE OLIVIER MESSIAEN

Programme détaillé

Dietrich Buxtehude (1637-1707)
Toccata en fa majeur BuxWV 156

[8 min – LA]

Franz Liszt (1811-1886)
«Funérailles, octobre 1849», extrait des Harmonies poétiques et religieuses

(Transcription de Louis Robilliard)

[11 min – LA]

Nicolas de Grigny (1672-1703)
Benoît Mernier (né en 1964)
Pange Lingua

Prélude (B. Mernier)
Verset I Pange lingua (en taille à 4, plein jeu – Grigny)
Verset II Nobis datus (B. Mernier)
Verset III In supremae nocte coenae (Fugue à 5 – Grigny)
Verset IV Verbum caro (B. Mernier)
Verset V Tantum ergo (Récit – Grigny)

[17 min – BM]

Jean-Pierre Leguay (né en 1939)
Final de la Sonate I

[11 min – PR]

 

--- Entracte ---

Franz Liszt
Les Préludes

(Arrangement de Nathan Laube)

[16 min – NL]

Olivier Messiaen (1908-1992)
«Les Mains de l’abîme», extrait du Livre d’orgue

[7 min – BH]

Max Reger (1873-1916)
«Moment musical», extrait de Dix pièces op. 69 (n° 4)

[5 min – BH]

Loïc Mallié (né en 1947)
Improvisation en hommage à Olivier Messiaen
Olivier Messiaen
«Offrande et Alleluia final», extrait du Livre du Saint-Sacrement

[7 min – LM]

Distribution

Loreto Aramendi orgue
Bernhard Haas orgue
Nathan Laube orgue
Loïc Mallié orgue
Benoît Mernier orgue
Pascale Rouet orgue

Le Concours International Olivier Messiaen est porté par l’EPCC Arts en Isère Dauphiné Alpes (AIDA) et organisé en partenariat avec l’Auditorium-Orchestre national de Lyon, avec le soutien de la Fondation Olivier Messiaen, abritée par la Fondation de France, de la Fondation de L’AO placée sous l’égide de la Fondation Bullukian, reconnue d’utilité publique, et de la Sacem.

Finale publique : samedi 5 novembre 2022 à l’Auditorium de Lyon.
Gratuit. Renseignements et réservations : cliquer ici.

Buxtehude, Toccata en fa majeur

Depuis un lointain passé jusqu’à nos jours, les organistes préludent en improvisant pour tester les possibilités acoustiques des orgues et s’échauffer physiquement pour atteindre la plus grande dextérité. Ainsi est né le style de la toccata (dont l’étymologie évoque le «toucher»), qui reflète les improvisations des plus grands virtuoses de l’instrument. Buxtehude, admiré par Bach, est le plus célèbre représentant de l’école d’orgue d’Allemagne du Nord à l’époque baroque. Ses préludes et toccatas sont des polyptiques aux multiples facettes qui juxtaposent avec la plus grande liberté des envolées théâtrales et des passages fugués.

La Toccata en fa majeur privilégie les passages décoratifs sur le contrepoint savant, la couleur sur la ligne, dans un feu d’artifice de traits éloquents, de joyeux carillons et de bariolages animés caractéristiques du stylus fantasticus baroque.

Liszt, Funérailles

Composition : 1853.

Cette pièce de grande ampleur, dédiée à l’origine au piano, est l’une des pages majeures du recueil des Harmonies poétiques et religieuses. Son sous-titre, «Octobre 1849», fait référence aux événements tragiques de la répression impériale qui s’abattit sur la Hongrie suite aux événements révolutionnaires de 1848, où les officiers qui avaient dirigé l’insurrection magyare furent exécutés. Bien que foncièrement cosmopolite, Liszt était resté très attaché à son pays natal, la Hongrie, sa «sauvage et lointaine patrie», et exalte dans cette œuvre funèbre la gloire attachée au souvenir des héros (la première esquisse de cette œuvre portait le titre de Magyar).

Dès l’introduction, un glas profond résonne, en un puissant crescendo aux rythmes farouches d’où émerge, après un long silence, un thème grave de marche funèbre aux inflexions mélodiques évoquant la gamme tsigane (intervalles de seconde augmentée caractéristiques). Un épisode lagrimoso exhale une déploration affligée, portée jusqu’à l’incandescence des sentiments. Mais bientôt une fanfare énergique entraine l’auditeur dans l’exaltation patriotique : on reconnait dans l’ostinato qui la porte, sorte de roulement de tambour, le procédé qu’avait utilisé Chopin dans la partie centrale de sa Polonaise héroïque op. 53. Le compositeur polonais, ami de Liszt, venait de mourir en octobre 1849, et Funérailles lui rend également hommage.

Grigny/Mernier, Pange lingua

Composition : 2013.
Commande : association Renaissance des grandes orgues de la Basilique Saint-Remi de Reims.
Création : Reims, 21 septembre 2014, par le compositeur.
Dédicace : «à la mémoire de Jean Boyer, pour le dixième anniversaire de sa disparition».

Nicolas de Grigny, dont la courte vie s’est déroulée principalement à Reims, est l’auteur d’un seul Livre d’orgue, publié en 1699, essentiellement liturgique, comprenant une messe et cinq hymnes. Pourtant, il domine l’école d’orgue classique française par la profondeur spirituelle de son inspiration, la solidité de ses constructions polyphoniques allant jusqu’à cinq voix, et l’ampleur de ses courbes mélodiques éloquentes et expressives, à l’ornementation richement ciselée. Johann Sebastian Bach a recopié en son temps l’intégralité de ce Livre d’orgue, et nul doute qu’il a pu en «faire son miel».

L’œuvre du compositeur et organiste belge Benoît Mernier répond à une commande rendant hommage à Grigny, où les cinq compositeurs sollicités devaient chacun écrire une pièce faisant référence ou s’inspirant d’une des cinq hymnes pour orgue de Nicolas de Grigny.

«Pour répondre à cette commande particulière, plutôt qu’écrire une œuvre d’un seul tenant, j’ai préféré concevoir quatre parties séparées venant s’enchâsser dans l’hymne Pange lingua de Grigny composée elle-même de trois versets distincts. Mon idée reprend en quelque sorte le principe de l’alternatim pratiqué à l'époque : lors des offices religieux, on faisait alternersystématiquement verset chanté en plain-chant et verset joué à l’orgue. La rupture entre les deux styles permet d’intensifier et de mettre en lumière la singularité des versets de Grigny. L’idée étant de créer également un grand rythme formel sur l’ensemble des deux œuvres (distantes de plus de trois cents ans), j’enchaîne parfois ma musique sur les dernières notes de celles de Grigny. Celle-ci commente, extrapole, annonce, suggère, cherchant sans cesse à créer un climat à la fois étrange et familier. […]» (B. Mernier).

Pour des raisons de minutage du concert, la version interprétée ce soir est légèrement incomplète, puisqu’elle ne comprend pas le verset final composé par Benoît Mernier (Verset VI, «Genitori genitoque – Amen»).

Leguay, Final de la Sonate I

Composition : 1973-1974.
Création : Paris (ORTF), 25 octobre 1974, par le compositeur.
 
Le titre de «sonate» est à prendre ici au sens d’œuvre pour faire sonner l’instrument, tant celle-ci est exalte la magnificence du grand orgue symphonique. Dans cette œuvre en deux mouvements, le final se présente comme une succession de sections contrastées, où le matériau sonore induit sa propre logique interne de développement : fluidité, éclatements disjoints, explosions d’énergie, ou encore une sorte de fixité quasi minérale, où s’accumulent des forces telluriques. La section finale qui se présente comme une brillante toccata n’est pourtant que la réitération de la section initiale, complètement transfigurée, étant passée d’un lumineux gazouillis sur la flûte de 4’ à une registration renforcée. La coda, portée par l’ascension des notes longues de pédale, amène le point culminant de l’œuvre, constitué de déflagrations sonores d’une puissance cataclysmique.

Liszt, Les Préludes

Composition : 1851-1854.

L’orgue est souvent comparé à un orchestre, en raison de son ampleur acoustique et de ses multiples couleurs sonores combinables à l’infini. C’est pourquoi cet instrument se prête particulièrement bien aux transcriptions d’œuvres symphoniques, comme celle qu’a réalisée Nathan Laube des Préludes de Liszt.

Il s’agit de l’un des plus célèbres des treize poèmes symphoniques de ce compositeur. Dans ce genre nouveau dont la forme libre déterminée par le contenu expressif, Liszt veut réaliser l’union de la poésie et de la musique, au profit de cette dernière. En effet, en s’emparant d’un sujet littéraire (qui peut apparaître sous forme d’un titre ou d’un programme liminaire), la musique purement instrumentale le recrée avec ses propres forces évocatrices. Dans ce cas précis, un poème de Lamartine (Les Préludes, odes extraites des Nouvelles Méditations poétiques) sert de fil conducteur à l’œuvre musicale. Dans son programme imprimé en tête de la partition, Liszt en donne une brève paraphrase très libre qui évoque la destinée humaine : «Notre vie est-elle autre chose qu’une série de Préludes à ce chant inconnu dont la Mort entonne la première et solennelle note ? […]».

Liszt conçoit un plan en quatre épisodes précédés d’une introduction, évoquant successivement l’amour, les orages de la vie, un intermède pastoral formant une sorte de scherzo, et enfin un épisode évoquant le tumulte guerrier et l’action héroïque. (Il a librement interverti les deux derniers thèmes du poème de Lamartine pour ménager une péroraison musicale brillante.) L’unité de l’œuvre est réalisée par une même cellule génératrice qui engendre les différents thèmes mélodiques selon de remarquables métamorphoses expressives, poussées chaque fois à leur paroxysme.

Messiaen, Les Mains de l’abîme

Composition : 1951-52.
Création : avril 1952 (inauguration de l’orgue de la Villa Berg à Stuttgart), par le compositeur.
 
Le titre de Livre d’orgue évoque les publications liturgiques des organistes français du Grand Siècle comme Nivers, Lebègue, Grigny ou Clérambault. Olivier Messiaen était lui-même un organiste au service de liturgie : il a tenu le grand orgue Cavaillé-Coll de l’église de la Trinité à Paris de 1931 à ses dernières années. Il aimait se définir comme musicien croyant et sa foi profonde teintée de mysticisme imprègne l’ensemble de sa musique. Pourtant, son Livre d’orgue n’est pas directement destiné à la liturgie : la plupart de ses morceaux portent en exergue des citations bibliques, mais leur caractère expressif énigmatique, d’une écoute quelque peu ardue, et leur difficulté d’exécution doivent les fait considérer comme des méditations théologiques plutôt que des pièces fonctionnelles destinées à s’insérer dans des célébrations.

Dans le Livre d’orgue, l’«inquiétude rythmique» qui anime Messiaen depuis toujours prend la forme d’une expérimentation spéculative qui relègue exceptionnellement les critères mélodiques ou harmoniques au second plan. L’emploi de registrations atypiques, aux plans sonores très différenciés, renforce l’étrangeté de ce monde sonore «à la limite du pays fertile».
La troisième pièce, «Les Mains de l’abîme», qui cite le prophète Habacuc («L’abîme a jeté son cri ! La profondeur a levé ses deux mains !»), est inspirée d’un paysage impressionnant des montagnes du Dauphiné : le défilé de l’Infernet, où se précipite le torrent de la Romanche. C’est aussi un appel désespéré vers Dieu qui monte de l’abîme, composé «pour les temps de pénitence», joué en tutti, dans les nuances fortissimo. Messiaen utilise des rythmes hindous caractérisés par des durées très longues opposées à de très courtes. La partie centrale fait entendre les jeux les plus graves de l’orgue (mélodie indiquée «la profondeur») auxquels se superposent des sonorités impalpables et très aiguës, qui sont «la réponse divine, douceur aérienne, tendresse lointaine et cachée» (Olivier Messiaen).
 

Reger, Moment musical

Composition : Munich, printemps 1903.

Le titre de cette pièce libre annonce un intermède musical romantique sans prétention, mais qui est pourtant non dénué de subtilité, son langage faisant preuve d’une complexité certaine. Une douce et lumineuse mélodie s’élève en sinueuses circonvolutions. Or, si l’on prête une oreille attentive, on goûtera le raffinement de l’harmonie hyperchromatique qui se glisse sous la mélodie, en l’infléchissant jusqu’à une certaine désorientation tonale. Après un bref point culminant central, l’esprit de la variation imprègne le retour de la mélodie, accompagnée d’une prolifération accrue de contrechants enchevêtrés, caractéristique de la pensée complexe du compositeur.

Mallié, Improvisation en hommage à Messiaen

L’organiste et compositeur Loïc Maillé a été l’élève de Messiaen au cours de ses études au Conservatoire de Paris. Il en est doublement l’héritier, étant l’un des titulaires du grand orgue de la Trinité à Paris (à titre honoraire actuellement), que Messiaen a tenu pendant une soixantaine d’années, de 1931 à sa mort.

Pratiquant l’improvisation dans le contexte de la liturgie comme en concert, ayant enseigné cette discipline, notamment au Conservatoire national supérieur musique et danse de Lyon, Loïc Maillé illustre avec brio et de manière toute personnelle une grande tradition organistique française, la création impromptue d’un monde sonore en couleurs et mouvements.

Messiaen, Offrande et Alléluia final

Composition : 1984.
Création : Détroit (Michigan), 1er juillet 1986, par Almut Rössler.

«Je vous offre, Seigneur, tous les transports d’amour et de joie, les extases, les ravissements, les visions célestes de toutes les âmes saintes.»
(Imitation de Jésus Christ, IV, 17).

Cette page débordante d’une formidable énergie est la dernière pièce de l’ultime composition pour orgue de Messiaen, le Livre du Saint-Sacrement. Il s’agit d’un cycle d’une durée de plus de deux heures de musique (l’œuvre pour orgue la plus vaste jamais écrite !), entrepris après la longue élaboration de l’opéra Saint François d’Assise, alors que Messiaen, fatigué, pensait renoncer à composer. Dans ce nouveau Livre d’orgue, Messiaen résume soixante ans d’intimité avec l’instrument. Il a lui-même déclaré s’est remis au travail dans le souvenir des improvisations qu’il a pratiquées tout au long de sa carrière d’organiste liturgique. Le sujet du Saint-Sacrement (la présence réelle du corps et du sang du Christ dans l’hostie consacrée) rejoint celui de sa première œuvre publiée, Le Banquet céleste, et atteste de la permanence de son inspiration théologique. La joie des saints et de tous les croyants s’exprime en monodies exaltées, en traits de toccata et en puissants accords dissonants, saturés, qui se résolvent à la fin sur la note la plus grave de l’orgue.

– Isabelle Rouard
 

L’orgue de l’Auditorium

L’ORGUE EN BREF

Les facteurs d’orgue :
Aristide Cavaillé-Coll (1878)
Victor Gonzalez (1939)
Georges Danion/S. A. Gonzalez (1977)
Michel Gaillard/Manufacture Aubertin (2013)

Construit pour l’Exposition universelle de 1878 et la salle du Trocadéro, à Paris, cet instrument monumental (82 jeux et 6500 tuyaux) fut la «vitrine» du plus fameux facteur de son temps, Aristide Cavaillé-Coll. Les plus grands musiciens se sont bousculés à la console de cet orgue prestigieux, qui a révélé au public les Requiem de Maurice Duruflé et Gabriel Fauré, le Concerto pour orgue de Francis Poulenc et des pages maîtresses de César Franck, Charles-Marie Widor, Marcel Dupré, Olivier Messiaen, Jehan Alain, Kaija Saariaho, Édith Canat de Chizy, Thierry Escaich ou Philippe Hersant. Remonté en 1939 dans le nouveau palais de Chaillot par Victor Gonzalez, puis transféré en 1977 à l’Auditorium de Lyon par son successeur Georges Danion, cet orgue a bénéficié en 2013 d’une restauration par Michel Gaillard (manufacture Aubertin) qui lui a rendu sa splendeur. La variété de ses jeux lui permet aujourd’hui d’aborder tous les répertoires, de Bach ou Couperin aux grandes pages romantiques et contemporaines. C’est, hors Paris (Maison de la Radio et Philharmonie), le seul grand orgue de salle de concert en France. En juin 2019, il a accueilli la première édition à l’orgue du Concours international Olivier-Messiaen.

En savoir plus

Auditorium-Orchestre national de Lyon

04 78 95 95 95
149 rue Garibaldi
69003 Lyon

The Auditorium and the Orchestre national de Lyon: music in the heart of the city. 160 concerts per season : symphonic concerts, recitals, films in concerts, family concerts, jazz, contemporary and world music, but also workshops, conferences, afterworks ...