Notes de programme

Mozart

Sam. 21 jan. 2023

Retour au concert du samedi 21 janvier 2023

Programme détaillé

Robert Schumann (1810-1856)
Konzertstück pour quatre cors et orchestre op. 86

Lebhaft [Vif] – Romanze. Ziemlich langsam doch nicht schleppend [Romance ; assez lent mais sans traîner] – Sehr lebhaft [Très vif]  

[21 min]

 

--- Entracte ---

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Marche en ré majeur, KV 249

[4 min]

Wolfgang Amadeus Mozart
Sérénade n° 7, en ré majeur, KV 250/248 b, «Haffner»

I. Allegro maestoso – Allegro molto
II. Andante
III. Menuetto – Trio – Menuetto da capo
IV. Rondeau : Allegro
V. Menuetto galante – Trio – Menuetto galante da capo
VI. Andante
VII. Menuetto – Trio I – Menuetto da capo – Trio II – Menuetto da capo 
VIII. Adagio – Allegro assai

[58 min]

Distribution

Orchestre national de Lyon
Jan Willem de Vriend 
direction
Gabriel Dambricourt cor
Guillaume Tétu cor
Grégory Sarrazin cor
Manon Souchard cor

Schumann, Konzerstück pour quatre cors

Composition : 18 février-11 mars 1849.
Création : Leipzig, Gewandhaus, 25 février 1850, Orchestre du Gewandhaus sous la direction de Julius Rietz.

Dans la musique de l’époque romantique, les cors représentent un imaginaire lié à la nature, la chasse, la forêt aux mille légendes. En cette année 1849, que Schumann a appelée «l’année féconde», celui-ci a utilisé pour la première fois le cor soliste dans une œuvre de musique de chambre pour cor et piano, Adagio et Allegro op. 70, composée en une journée le 14 février 1849 et achevée le 17. Dès le lendemain, Schumann commençait la composition d’une œuvre plus ambitieuse, une sorte de concerto pour quatuor de cors et grand orchestre : le Konzertstück op. 86, morceau de concert en trois mouvements enchaînés.

Son engouement pour cet instrument s’explique par l’apparition du cor viennois à trois pistons construit par Uhlmann, que lui avait sans doute fait connaître son copiste, Schlitterlau, qui était également corniste. Cet instrument, qui préfigure le cor d’harmonie moderne, permettait de jouer avec facilité toutes les notes naturelles ou altérées, autorisant toutes les modulations et les chromatismes que la musique romantique utilise en abondance.

Pourtant cette innovation ne faisait pas encore l’unanimité chez les musiciens d’orchestre (qui auraient dû réapprendre la technique d’un nouvel instrument) et même les compositeurs (Brahms, par exemple, préférait la sonorité des cors naturels à tons de rechange, dont les notes mélodiques sont obtenues en bouchant plus ou moins le pavillon avec la main). D’ailleurs, lors de la création du Konzertstück par l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig et son pupitre de cors en solistes, le premier cor, Pohle, a joué un cor naturel, sa partie – fort périlleuse – située dans l’aigu permettant l’emploi des harmoniques naturels pour former les mélodies. En revanche les trois autres parties, plus graves, ne pouvaient être jouées qu’avec le nouvel instrument à pistons.

Schumann était fort satisfait de son Konzerstück : «Je l’ai composé d’enthousiasme, et j’ai été très content de la façon dont les quatre cornistes me l’ont joué», écrit-t-il à son ami Hiller. Cet enthousiasme se ressent dans l’expression emportée et joyeuse des deux mouvements rapides, où les fanfares brillantes et les mélodies exaltées des solistes dialoguent avec un orchestre fourni et orchestré de manière à obtenir une sonorité puissante (soulignée par la petite flûte et trois trombones).

Dans la Romance centrale, c’est au contraire le pouvoir d’évocation nostalgique de la sonorité des cors qui est exploitée. Mais bientôt un appel surprenant retentit, et la folle chevauchée repart ! Au sein de ce finale enlevé, les cors font entendre une phrase en quatuor d’une belle plénitude harmonique, qui n’est autre que le rappel du motif central de la Romance, et l’œuvre s’achève «mit Bravour» dans un festival d’aigus périlleux. 

– Isabelle Rouard

Mozart, Marche en ré et Sérénade n° 7, «Haffner»

Marche en ré majeur, KV 249
Composition :
Salzbourg, 20 juillet 1776.

Sérénade n° 7, en ré majeur, KV 250/248 b, «Haffner»
Composition :
achevée le 20 juillet 1776.
Création : Salzbourg, 21 juillet 1776.

Avant de prendre son essor en 1781 à Vienne comme musicien indépendant, Mozart était un musicien de cour à Salzbourg, ville qui avait fini par devenir pour lui une sorte de prison sans perspective de carrière. Outre les devoirs de sa charge (il fut successivement Konzertmeister, c’est-à-dire premier violon de l’orchestre, puis organiste de la cour du prince-archevêque), Mozart était parfois sollicité pour des commandes extérieures : la bonne société de Salzbourg faisait appel à lui pour la musique d’occasions festives : mariages, célébrations civiles… Ainsi, de 1769 à 1779, Mozart composa neuf pièces orchestrales de circonstance, appelées cassations ou sérénades. Les sérénades étaient souvent associées à une marche qui accompagnait l’arrivée et les déplacements en cortège des musiciens. 

Les sérénades comprennent généralement de nombreux mouvements, d’un caractère brillant et d’une orchestration parfois opulente, pouvant s’accommoder d’une exécution en plein air ainsi que d’interruptions et de reprises pour durer le temps voulu. La présence d’au moins deux menuets, caractéristiques de l’esthétique galante, en font le prolongement de la suite de danses de l’époque baroque. Du temps de Mozart, les premiers et derniers mouvements de sérénades prennent la forme et l’ampleur de ceux d’une symphonie, et pour satisfaire le goût de la virtuosité des auditeurs, on insère après le premier mouvement un «concerto intercalaire» qui, le plus souvent, fait briller le premier violon en soliste. 

En 1776, Mozart, alors âgé de 20 ans, reçoit la commande d’une sérénade pour les festivités du mariage d’Elisabeth Haffner, fille d’un riche commerçant et ancien bourgmestre de Salzbourg. Sans doute ravi de montrer l’étendue de son talent à la bonne société salzbourgeoise, qui l’appréciait mieux que son tyrannique patron le prince-archevêque Colloredo, le jeune homme ne s’est pas contenté de composer une musique fonctionnelle destinée à agrémenter l’ambiance des festivités, comme fond sonore des conversations et des banquets. Le degré d’élaboration de cette musique et son niveau d’inspiration sont d’une qualité exceptionnelle, sublimant le cadre fixé d’une musique de divertissement.

La Marche KV 249, pimpante et joyeuse, précède la sérénade, dans la même tonalité de majeur.

Une vaste introduction d’un tempo modéré ouvre le premier mouvement de la sérénade, pour en élargir les proportions et lui donner une théâtralité majestueuse. L’Allegro molto adopte ensuite une forme sonate classique qui en fait l’équivalent d’un premier mouvement de symphonie. Son développement central, qui explore les tonalités mineures, outrepasse presque les limites expressives du style galant par son ton sérieux et dramatique, exploitant la petite cellule théâtrale en fusée qui lançait l’introduction. La réexposition ne manque pas de surprises et se termine par cette petite cellule pleine d’énergie.

Œuvre dans l’œuvre, le concerto intercalaire en sol majeur (comportant trois mouvements mais commençant par un tempo lent pour respecter l’alternance générale lent/vif) met en valeur les qualités expressives du premier violon, sans en exiger une virtuosité trop démonstrative. L’orchestre change légèrement de couleur, sans les trompettes et avec les flûtes remplaçant les hautbois, pour une sonorité plus légère. L’Andante initial, modèle de lyrisme délicat et raffiné, est suivi par un menuet en sol mineur de caractère sérieux qui préfigure étrangement le menuet de la Quarantième Symphonie, KV 550, dans la même tonalité. Le violon solo n’intervient que dans le trio central, accompagné seulement par les vents, où les cors (instruments naturels sans pistons, à l’époque de Mozart) font entendre leurs fanfares. Le finale du concerto est, comme il se doit, un rondo, d’une virtuosité brillante mais légère, typique de l’esthétique galante. Le thème tourbillonnant du refrain, où les cors font encore entendre leur appel, alterne avec des passages contrastants dans une grande prodigalité de motifs mélodiques, ponctués de cadences improvisées par le violon solo. 

La sérénade reprend ensuite son cours, revenant en majeur dans la configuration orchestrale initiale (sans les trompettes), dans un «Menuetto galante» dont l’appellation annonce la couleur : il s’agit bien d’une musique de cour, ce qui n’était sans doute pas pour déplaire aux riches bourgeois de Salzbourg ! L’Andante en la majeur qui suit constitue un moment de repos dans une ambiance idyllique. Son écriture est délicatement ouvragée, et ses couleurs orchestrales soigneusement dosées. 

La recherche de sonorités orchestrales originales se poursuit dans le second menuet, sorte de danse campagnarde (Ländler) doté de deux trios, où les flûtes champêtres sont opposées aux accents militaires des trompettes.

Le finale est le pendant du premier mouvement de la sérénade : même formation orchestrale, même forme sonate élaborée et précédée d’une grande introduction. Le contraste entre celle-ci et l’Allegro assai final est poussé à son paroxysme : l’introduction Adagio est le seul moment au tempo très lent de toute l’œuvre, d’un caractère sérieux et profond et d’une grande sérénité. En revanche l’Allegro assai entraîne l’auditeur dans une vive cavalcade sur des rythmes de chasse, pour terminer cette vaste œuvre dans l’allégresse. 

– Isabelle Rouard

Le podcast de L’AO