Notes de programme

Orchestre du CNSMD

Di. 4 oct. 2020

Programme détaillé

Claude Debussy (1862-1918)
Prélude à «L’Après-midi d’un faune»
[12 min]

Sergueï Prokofiev (1891-1953)
Concerto pour violon et orchestre no 1, op. 19
I. Andantino
II. Scherzo :  Vivacissimo
III. Final : Moderato
[22 min]

Zoltán Kodály (1882-1967)
Danses de Galánta, pour orchestre
[15 min]

Orchestre du CNSMD de Lyon
Alexandre Bloch direction
Lilya Chifman violon

Concert sans entracte.

Notre partenaire

Debussy, Prélude à «L’Après-midi d’un faune»

Claude Debussy
Prélude à «L’Après-midi d’un faune»

Composition : 1892.

Création : Paris, Société nationale de musique, 22 décembre 1894, sous la direction de Gustave Doret.

 

En 1892, Debussy travaille à la partition de son Prélude à «L’Après-midi d’un faune», inspiré de Mallarmé. Vingt ans plus tard, le musicien se souvient de cette époque, durant laquelle il présenta au poète son œuvre encore inachevée. «Je ne m’attendais pas à quelque chose de pareil, lui aurait confié Mallarmé. Cette musique prolonge l’émotion de mon poème et en situe le décor plus passionnément que la couleur.» Après la création, en 1894, Mallarmé confirme son impression première dans une lettre adressée à Debussy. Cette musique, lui écrit-il, va «bien plus loin, vraiment, dans la nostalgie et dans la lumière, avec finesse, avec malaise, avec richesse». L’œuvre est bissée, ce qui n’empêche pas une bonne part de la critique de rester en retrait. «Incessamment fuyante», la musique de Debussy déroute déjà les oreilles académiques et parfois aussi, semble-t-il, les estomacs, puisque le journaliste du Soleil qualifie l’œuvre d’«indigeste».

Pour nombre de commentateurs, Prélude à «L’Après-midi d’un faune» inaugure l’ère de la musique moderne. Debussy construit une partition qui synthétise plusieurs schémas formels et où la fluidité de l’harmonie, de la mélodie, du rythme et du timbre devient le principe générateur. Le but n’est pas une description minutieuse à la manière d’une musique à programme, mais une évocation libre. La musique est suggestive et non pas figurative. Désirs, rêves, mais aussi évocation des décors se mêlent pour aboutir à une extase panthéiste, comme si le faune parvenait à une possession et une fusion avec la Nature. C’est la flûte, instrument cher à Debussy, symbole de cette Nature et du faune, qui ouvre l’œuvre et fonctionne à la manière d’un motif repère.

Cette brève pièce est restée célèbre après sa deuxième création, sous forme de ballet, en 1912.

«La troublante musique»

Dans le numéro du Courrier musical du 15 juin 1912, Gustave Samazeuilh fait le commentaire suivant de l’adaptation chorégraphique présentée par les Ballets russes et Vatslav Nijinski : «J’avoue que cette chorégraphie contournée et voulue ne me paraît pas plus convenir à l’esprit véritable de l’églogue de Mallarmé qu’à la ligne vivante, onduleuse et souple de la troublante musique où l’originalité intime, la sensibilité exquise et rare de M. Debussy ont trouvé une de leurs plus saisissantes expressions.» La danse a ainsi pu être ressentie comme une manifestation trop prosaïque de la sensualité et même de l’érotisme circulant dans la partition sous forme «vaporeuse». «L’agilité faunesque» des gestes du danseur, ses «curieuses pantomimiques» ont quelque peu effarouché le critique. Les somptueux décors réalisés par Léon Bakst lui ont semblé d’encombrants accessoires. Dans la même revue, le journaliste Charles Tenroc rapporte, le 1er mai 1912, le fruit d’un entretien avec Nijinski. Sa danse moderne rejoint la méthode dynamique de Dalcroze, inventeur de la gymnastique rythmique. C’est ainsi que le Prélude de Debussy est devenu le corps sonore porteur d’une véritable entreprise de rénovation de la danse au moyen d’une «plastique musculaire», d’une «discipline quasi géométrique des lignes», d’une «mimique plus condensée» et d’éléments inspirés du cubisme, du futurisme mais aussi des bas-reliefs grecs que le danseur est allé étudier à partir de 1910 sur les céramiques conservées au Louvre. Cet art nouveau du corps dansant qui s’est construit au début du xxe siècle cherche, comme l’art de Debussy, à s’affranchir des conventions, des formes statiques et des expressions convenues, par le déploiement d’une sensation dynamique, et une rythmique évolutive liant intimement la ligne plastique au rythme musical. Mais, en dehors de cette liberté d’expression commune, les esthétiques peuvent sembler opposées. Debussy a d’ailleurs avoué dans une interview du 23 février 1914 : «Je renonce à vous décrire ma terreur, lorsque, à la répétition générale, je vis que les nymphes et les faunes bougeaient sur la scène comme des marionnettes, ou plutôt comme des figurines de carton, se présentant toujours de côté, avec des gestes durs, anguleux, stylisés de façon archaïque et grotesque ! Pouvez-vous imaginer le rapport entre une musique ondoyante, berceuse, où abondent les lignes courbes, et une action scénique où les personnes se meuvent [...] comme si leurs gestes schématiques étaient réglés par des lois de géométrie pure ?»

Hervé Lacombe

Prokofiev, Concerto pour violon n°1

Sergueï Prokofiev
Concerto pour violon et orchestre no 1, op. 19

Composition : 1917.

Création : Paris, 18 octobre 1923, par Marcel Darrieux au violon, sous la direction de Serge Koussevitzky.

Composé dans la première partie de la vie de Sergueï Prokofiev, le Premier Concerto pour violon et orchestre voit le jour en 1917 alors que l’Empire russe est en plein bouillonnement politique et artistique. À l’instar du Sacre du Printemps d’Igor Stravinsky (1882-1971), créé quelques années plus tôt à Paris, la Suite scythe de Prokofiev vient de faire scandale lors de sa création à Saint-Pétersbourg en 1916. Le ton agressif porté par ces œuvres déplaît aux conservateurs, mais semble cristalliser les tensions inhérentes à la Première Guerre mondiale, et plus particulièrement l’effervescence de la société russe à l’aube de la révolution d’Octobre. Cette dernière retardera d’ailleurs de six années la création du Concerto pour violon. Mais Prokofiev, habitué à travailler simultanément à plusieurs œuvres, compose dans cette même période sa symphonie dite «Classique». Dans un style radicalement différent, Prokofiev imagine avec cette œuvre la manière dont Joseph Haydn (1732-1809) aurait composé s’il avait vécu à son époque. Il renoue ainsi avec les formes très équilibrées du «père de la symphonie» en usant d’harmonies et de modulations plus modernes. Ainsi Prokofiev explore-t-il le style néo-classique, auquel contribuera Stravinsky en 1919 avec le ballet Pulcinella. Le Premier Concerto pour violon est donc composé à la croisée de ce style agressif et de l’expérience du néo-classicisme.

Tout en se référant à la forme classique du concerto en trois mouvements, l’œuvre se distingue du modèle par la nature de ses mouvements : lent/vif/lent, tandis que la forme classique privilégie le schéma vif/lent/vif. Cette construction a pour effet d’inverser la dynamique habituelle, et laisse ainsi une part plus grande à un certain lyrisme du violon soliste, d’ordinaire réservé au mouvement central. Au cours de ce concerto, le compositeur développe avec inventivité une succession d’événements très contrastés par l’écriture, le tempo, ou l’orchestration. Le style agressif se révèle dans de multiples séquences au rythme implacable et aux accentuations fortes, caractéristiques fréquentes dans les œuvres de Prokofiev. Au soliste est confié le soin de guider l’auditeur dans ce parcours en exigeant du violon une grande virtuosité et en exploitant une large palette de modes de jeu qui sont autant de recherches sur le timbre de l’instrument. Alors qu’Arnold Schönberg (1874-1951) explore à la même époque les possibilités de l’atonalité et bientôt du dodécaphonisme, Prokofiev assume ici une composition en ré majeur. Pourtant une recherche de déstabilisation tonale se manifeste dans de nombreux éléments tels que des emprunts de notes étrangères à la gamme, de fortes dissonances ou des modulations soudaines. Le langage tonal est particulièrement ébranlé dans les divers développements, qui sont riches en chromatismes. Ainsi, tout en restant fidèle à la tonalité, Prokofiev reconnaît-il la nécessité de son dépassement, ou du moins de son élargissement.

Le premier mouvement de ce concerto est composé autour de deux thèmes principaux. Le premier, mélancolique, est entendu au violon solo dès les premières mesures. Le second thème est beaucoup plus chromatique, anguleux et scandé, caractérisé par les appogiatures brèves et les trilles qui ornent presque chacune de ses notes. Ces deux thèmes connaissent un important développement qui les rend pratiquement méconnaissables. La coda ramène finalement le premier thème dans sa tonalité initiale, joué par les flûtes puis les premiers violons, dans une orchestration très éthérée.

Le scherzo central prend ici la forme d’un rondo. Le refrain est entendu dès le début du mouvement, caractérisé par ses gammes ascendantes, puis il alterne avec deux couplets. Des formules omniprésentes de notes répétées contribuent à l’agitation générale de ce mouvement. Particulièrement remarquable dans les couplets, le style agressif est identifiable par des accents presque violents au soliste et à l’orchestre, soulignés par les percussions.

Le dernier mouvement laisse s’exprimer à nouveau un certain lyrisme cher aux compositeurs russes. Prokofiev y développe plusieurs matériaux musicaux, tels un motif en arpèges brisés ascendants et un passage mélodique cantabile, tous deux au violon soliste. Un épisode contrastant, plus agité, fait entendre de saisissants crescendos de nuances et d’orchestre. La mélodie cantabile vient ensuite se superposer aux éléments de cette section. Une nouvelle section développe ensuite des éléments de la première partie sur un long crescendo qui conduit à la coda. Cette dernière, très proche de celle du premier mouvement, superpose le premier thème du premier mouvement, joué tremolo par le violon soliste doublé par les violons d’orchestre, avec le motif en arpèges que jouent à tour de rôle la flûte et la clarinette. Prokofiev referme ainsi ce remarquable concerto pour violon en révélant sa cohérence générale.

Gilles Veysseire
Étudiant de la classe du département de culture musicale / CNSMD de Lyon

Kodály, Danses de Galánta

Zoltán Kodály
Danses de Galánta, pour orchestre

Composition : 1933.

Création : Budapest, 23 octobre 1933, par l’Orchestre de la Société philharmonique de Budapest, sous la direction d’Ernő Dohnányi.

Suscitées par une commande publique hongroise pour le 80e anniversaire de la Société philharmonique de Budapest, les Danses de Galánta reposent sur des danses populaires tirées d’un recueil publié en Hongrie au début du XIXe siècle. Alors que Kodály, à l’instar de son ami Béla Bartók, a collecté et étudié minutieusement la musique paysanne hongroise, qui irrigue nombre de ses œuvres, il s’agit ici d’une tradition bien différente : celle des orchestres tsiganes de Hongrie comme celui que le compositeur a pu entendre lors de sa prime jeunesse dans la petite ville de Galánta (aujourd’hui en Slovaquie), où ces airs ont été recueillis. De son propre aveu, cet orchestre tsigane disparu par la suite constitua son premier choc musical, et les Danses de Galánta naquirent dans l’objectif de faire vivre cette tradition. Elles s’inscrivent ainsi comme un nouveau jalon dans une carrière vouée à l’étude et à la transmission du folklore de la Hongrie.

Le verbunkos, le genre développé par les orchestres tsiganes à partir de la fin du XVIIIe siècle, est la source d’inspiration des Danses de Galánta. Il se traduit structurellement par une danse en trois parties : d’abord une partie lente à quatre temps, puis une autre plus animée, et enfin la dernière très rapide, à deux temps. Outre le violon, qui mène ce type d’orchestres, l’instrument soliste par excellence dans le verbunkos est le tárogató, un avatar hongrois de la clarinette. Ainsi dans l’œuvre de Kodály cette dernière se voit-elle attribuer un rôle de première importance : c’est elle qui, après une courte cadence soliste concluant l’introduction, expose le thème principal de la pièce. Kodály recherche des couleurs particulières d’orchestration : des associations d’instruments à vent jouant ensemble à l’octave et à la quarte font naître des sonorités orientalisantes, soulignées par l’emploi – typique de la musique tsigane – d’intervalles de seconde augmentée dans des gammes mineures. De même les rythmes pointés et les syncopes sont-ils abondamment empruntés au verbunkos, ainsi que les traits virtuoses de doubles croches qui rappellent le cymbalum, autre instrument emblématique de ces orchestres. En suivant l’agitation progressive induite par la forme empruntée au verbunkos, les différents thèmes s’enchaînent, entrecoupés par les retours du thème principal comme un refrain. Malgré l’apparente simplicité de la juxtaposition de ces airs de danses, l’œuvre cache en elle une solide cohérence assurée par la parenté du matériau employé, et par la préparation d’événements musicaux annoncés par des motifs précurseurs. Dans sa forme générale, la pièce suit un long crescendo qui se termine en une danse endiablée, ultime hommage de l’auteur à l’orchestre tsigane de son enfance.

Gilles Veysseire
Étudiant de la classe du département de culture musicale / CNSMD de Lyon

 

Les étudiants du CNSMD

Violon solo

Lilya CHIFMAN

Violons 1

Fédérica BASILICO
Fanny BOUCHER
Eugène DUCROS
Lucile DUGUE
Antoine GUILLIER
Sarah KHAVAND
Mathilde PINGET
Ugo VACHETTA

Violons 2

Jeanne APPARAILLY
Blanche DESILE
Siméon LABOURET
Romance LEROY
Earline MASSONNEAU
Chloé MAUGER
Vincent WESTERMEYER

Altos

Charlotte GIRAUD
Salomé KIRKLAR
Ekaterina MOTORINA
Nadine OUSSAAD
Axelle TAHIRI
Clément VERDIER

Violoncelles

Aurore ALIX
Priscilla MASCHIO
Ji Young NOH
Estelle PERSIAUX
Loris SIKORA

Contrebasses

Camille COURTOIS
Noé GARIN
Guillaume MINDER
Quentin WATTINCOURT

FlûteS

Victoria CREIGHTON
Mélissa LE SUAVE
Marie-Sophie PEREZ

Hautbois

Gabriel CHAUVEAU
Jiyoung KIM
Olivier THOMAS (cor anglais)

Clarinettes

Maxime CONOIR
Sang Jin PARK

Bassons

William DEMENAY
Elliot DUPISRE

Cors

Marin DUVERNOIS
Solène GUIMBAUD
Constant L’HELIAS
Katharina ZELLER

Trompettes

Luce PERRET
Luis SOLANO CASILLAS

Tuba

Antonin BOUTINAUD

Percussions

Louis DOMALLAIN
Paul GOHIER
Louis LEBRETON

Harpe

Albane BARON
Hyejin KIM
Eulalie NOUHAUD