Notes de programme

L’HOMME QUI RIT

Dim. 12 mars 2023

Retour au ciné-concert du dimanche 12 mars 2023

Programme détaillé

Paul Leni (1885-1929)
L’Homme qui rit

[The Man Who Laughs]
États-Unis, 1928, N & B, muet [1h50]

Réalisateur : Paul Leni
Scénario : J. Grubb Alexander, d’après le roman homonyme de Victor Hugo (1869)
Photographie : Gilbert Warrenton
Montage : Edward L. Cahn
Direction artistique : Charles D. Hall, Thomas F. O’Neill et Joseph C. Wright
Costumes : David Cox et Vera West
Production : Paul Kohner
Société de production : Universal Pictures
Dates de sortie : 27 avril 1928 (New York) ; 4 novembre 1928 (sortie nationale aux États-Unis )

Mary Philbin : Dea
Conrad Veidt : Gwynplaine
Julius Molnar Jr. : Gwynplaine enfant
Olga Baclanova : la Duchesse Josiana
Brandon Hurst : Barkilphedro
Cesare Gravina : Ursus
Stuart Holmes : Lord Dirry-Moir
Sam De Grasse : le Roi James II
George Siegmann : le Docteur Hardquanonne
Josephine Crowell : la Reine Anne
Charles Puffy : l’Aubergiste
Zimbo the Dog : Homo, «le Loup»
Carrie Daumery : une dame d’honneur
John George : le Nain
Lon Poff
 

Distribution

Paul Goussot accompagnement improvisé à l’orgue

En partenariat avec l’Institut Lumière.

Le film

L’Homme qui rit, c’est Gwynplaine, vendu à des trafiquants d’enfants qui l’ont défiguré, puis devenu un célèbre comédien ambulant. Ce sourire effrayant est l’œuvre du maquilleur Jack Pierce, qui va officier ensuite sur Frankenstein, La Momie ou L’Homme invisible. Il inspirera le Joker de Batman. L’Homme qui rit n’est pas que le récit de ce destin tragique. C’est aussi un brillant film historique à costumes entrepris par le studio Universal et son directeur Carl Laemmle Sr. pour rebondir sur le succès de Notre-Dame-de-Paris (1923), déjà adapté de Victor Hugo, et du Fantôme de l’Opéra (1925), d’après Gaston Leroux. Lon Chaney, protagoniste de ces films, avait quitté le studio pour la MGM, et Universal le remplaça par Conrad Veidt, dont le jeu expressif et la gestuelle collent parfaitement au personnage. Le grand orgue de l’Auditorium offre un écrin sonore grandiose et prenant, sous les doigts experts de Paul Goussot.

Le roman de Victor Hugo (extrait)

La nature avait été prodigue de ses bienfaits envers Gwynplaine. Elle lui avait donné une bouche s’ouvrant jusqu’aux oreilles, des oreilles se repliant jusque sur les yeux, un nez informe fait pour l’oscillation des lunettes de grimacier, et un visage qu’on ne pouvait regarder sans rire.

Nous venons de dire : la nature avait comblé Gwynplaine de ses dons. Mais était-ce la nature ?

Ne l’avait-on pas aidée ?

Deux yeux pareils à des jours de souffrance, un hiatus pour bouche, une protubérance camuse avec deux trous qui étaient les narines, pour face un écrasement, et tout cela ayant pour résultante le rire, il est certain que la nature ne produit pas toute seule de tels chefs-d’œuvre.

Seulement, le rire est-il synonyme de la joie ?

Si, en présence de ce bateleur, — car c’était un bateleur, — on laissait se dissiper la première impression de gaîté, et si l’on observait cet homme avec attention, on y reconnaissait la trace de l’art. Un pareil visage n’est pas fortuit, mais voulu. Être à ce point complet n’est pas dans la nature. L’homme ne peut rien sur sa beauté, mais peut tout sur sa laideur. D’un profil hottentot vous ne ferez pas un profil romain, mais d’un nez grec vous pouvez faire un nez kalmouck. Il suffit d’oblitérer la racine du nez et d’épater les narines. Le bas latin du moyen âge n’a pas créé pour rien le verbe denasare. Gwynplaine enfant avait-il été assez digne d’attention pour qu’on s’occupât de lui au point de modifier son visage ? Pourquoi pas ? Ne fût-ce que dans un but d’exhibition et de spéculation. Selon toute apparence, d’industrieux manieurs d’enfants avaient travaillé à cette figure. Il semblait évident qu’une science ingénieuse, probablement occulte, qui était à la chirurgie ce que l’alchimie est à la chimie, avait ciselé cette chair, à coup sûr dans le très bas âge, et créé, avec préméditation, ce visage. Cette science, habile aux sections, aux obtusions et aux ligatures, avait fendu la bouche, débridé les lèvres, dénudé les gencives, distendu les oreilles, décloisonné les cartilages, désordonné les sourcils et les joues, élargi le muscle zygomatique, estompé les coutures et les cicatrices, ramené la peau sur les lésions, tout en maintenant la face à l’état béant, et de cette sculpture puissante et profonde était sorti ce masque : Gwynplaine.

On ne naît pas ainsi.

Quoi qu’il en fût, Gwynplaine était admirablement réussi. Gwynplaine était un don fait par la providence à la tristesse des hommes. Par quelle providence ? Y a-t-il une providence Démon comme il y a une providence Dieu ? Nous posons la question sans la résoudre.

– Victor Hugo
L’Homme qui rit

Livre deuxième, «Gwynplaine et Dea»
Chapitre I, «Où l’on voit le visage de celui dont on n’a encore vu que les actions»

L’ORGUE DE L’AUDITORIUM

L’ORGUE EN BREF

Les facteurs d’orgue :
Aristide Cavaillé-Coll (1878)
Victor Gonzalez (1939)
Georges Danion/S. A. Gonzalez (1977)
Michel Gaillard/Manufacture Aubertin (2013)

Construit pour l’Exposition universelle de 1878 et la salle du Trocadéro, à Paris, cet instrument monumental (82 jeux et 6500 tuyaux) fut la «vitrine» du plus fameux facteur de son temps, Aristide Cavaillé-Coll. Les plus grands musiciens se sont bousculés à la console de cet orgue prestigieux, qui a révélé au public les Requiem de Maurice Duruflé et Gabriel Fauré, le Concerto pour orgue de Francis Poulenc et des pages maîtresses de César Franck, Charles-Marie Widor, Marcel Dupré, Olivier Messiaen, Jehan Alain, Kaija Saariaho, Édith Canat de Chizy, Thierry Escaich ou Philippe Hersant. Remonté en 1939 dans le nouveau palais de Chaillot par Victor Gonzalez, puis transféré en 1977 à l’Auditorium de Lyon par son successeur Georges Danion, cet orgue a bénéficié en 2013 d’une restauration par Michel Gaillard (manufacture Aubertin) qui lui a rendu sa splendeur. La variété de ses jeux lui permet aujourd’hui d’aborder tous les répertoires, de Bach ou Couperin aux grandes pages romantiques et contemporaines. C’est, hors Paris (Maison de la Radio et Philharmonie), le seul grand orgue de salle de concert en France. En juin 2019, il a accueilli la première édition à l’orgue du Concours international Olivier-Messiaen.

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